
Le 24 mars 2003

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Le Forum mondial de l'eau: se noyer dans un verre d'eau
(Agence Science-Presse) - On parle souvent,
dans cette page, de crises oubliées: la malaria,
la tuberculose, le sida en Afrique... Mais la pire des crises
oubliées est sans conteste l'eau. La pire, parce
qu'elle touche le total impressionnant d'un milliard de
personnes. Un milliard de personnes n'ont pas d'accès
à une eau potable. Et ça empire.
Quelque 10 000 délégués de 150 pays
ont mis fin dimanche, au Japon, à huit jours de réunion:
le 3e Forum mondial sur l'eau. Et ils
en sont ressortis avec beaucoup
de voeux pieux, de vagues propositions, et bien des frustrations.
"La déclaration ministérielle, tranche l'Union
mondiale pour la conservation de la nature, n'aura virtuellement
aucun impact sur les politiques nationales. Il n'y a rien
dans ce texte qui fera une quelconque différence."
Difficile, pour un Nord-américain, d'imaginer ce
que signifie ne pas avoir accès à de l'eau
potable. Cela signifie, dans certains cas, avoir bel et
bien accès à de l'eau dans sa maison, mais
une eau contaminée par des déchets, par conséquent
riche en microbes, porte ouverte à toutes sortes
de maladies. Cela signifie ne pas avoir assez d'eau potable
pour arroser ses champs, faire boire convenablement sa famille,
ou les deux. Et cela signifie une quantité incalculable
de condamnations à mort: selon le World Water
Development Report, préparé par les Nations
Unies, au cours des deux prochaines décennies, si
rien n'est fait, la quantité moyenne d'eau disponible
pour chaque personne sur Terre va diminuer d'un tiers -résultat
conjugué de l'augmentation de la population, de la
pollution et des changements climatiques. Déjà
qu'on sait que de l'eau contaminée ouvre la porte
aux maladies, moins d'eau signifie des gens plus faibles,
donc encore moins capables de se défendre contre
ces maladies.
Et ce n'est pas tout: le besoin d'eau de plus en plus pressant
menace l'environnement dans maintes régions. Moins
il y a d'eau, moins il y a de nourriture; moins les gens
sont nourris et plus ils réclament de l'eau, de toutes
leurs forces déclinantes.
"La science a un rôle de premier plan à jouer,
résume la revue britannique Nature.
Sans les talents de spécialistes tels que les hydrologues,
les météorologues et les épidémiologistes,
il n'y aura aucune solution faisable." Mais les scientifiques
à eux seuls ne peuvent pas tout faire, poursuit aussitôt
Nature, citant le rapport des Nations Unies: sans
une volonté politique claire, aucune des belles paroles
prononcées lors de ce Forum ne servira à quoi
que ce soit.
Or, si le passé est garant de l'avenir, il n'y a
pas de quoi être optimiste: en 2000, dans le cadre
des Objectifs du millénaire dictés par les
Nations Unies, les gouvernements s'étaient engagés
à réduire de moitié d'ici 2015 la proportion
de gens sans accès à de l'eau potable. Promesse
répétée en septembre 2002, au Sommet
de la Terre de Johannesbourg. Si la tendance se maintient,
ces promesses ne vaudront pas plus que le papier sur lequel
elles ont été écrites.
Avec la guerre en Irak, le Forum a été relégué
encore plus loin dans les pages intérieures des journaux.
Et pourtant, "nos discussions auront beaucoup plus d'impact
sur l'humanité du XXIe siècle que la crise
actuelle", a lancé William Cosgrove, vice-président
du Conseil mondial de l'eau. D'aucuns ont peut-être
cru attirer l'attention des médias, mardi le 18 mars
-la veille du jour où prenait fin l'ultimatum- en
mettant l'accent sur un des conférenciers, qui concluait
que la
pénurie d'eau contribue à "engendrer le terrorisme".
Un constat de la directrice de l'Unité de recherche
sur l'eau, en Egypte, qui a rapidement été
noyé, dans l'actualité, par les bombes tombant
sur Bagdad.
Dans certains cas pourtant, il suffirait de bien peu de
choses. Les technologies d'épuration de l'eau existent.
Des
appareils destinés à une seule famille pourraient
être commercialisés à grande échelle,
si les budgets étaient débloqués en
conséquence.
Les conférences internationales, renchérit
l'analyste de la BBC, sont souvent décrites comme
des magasins de parlottes. Pas ce Forum-ci. Il fut un supermarché
géant de la parlotte.
Et cela, en pleine année 2003... dont fort peu de
gens, en ces semaines troublées, se rappellent qu'elle
fut décrétée par les Nations Unies
Année internationale de l'eau douce.
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