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PRAGUE (Agence Science-Presse) - Vous vous inquiétez des hormones et des antibiotiques dont on nourrit les animaux? Vous n'avez encore rien vu. En 2003, les vétérinaires européens ont administré 11 200 tonnes de médicaments aux animaux sous 4500 formules différentes. Et c'est sans compter ce que rejettent les hôpitaux dans la nature...

La pénicilline, le tétracycline, la carbamazepine, l’acide clofibrique, le triclocan, les sulfamides et les norfloxacines, pour ne nommer que ceux-là, sont des médicaments bien populaires dans les élevages de porc, de volaille et de bœuf en Europe. La plupart de ces produits possèdent une courte durée de vie mais plusieurs sont stables, ce qui signifie qu'ils continuent de s'infiltrer dans l’environnement. Ils passent dans les sols et se répandent dans les eaux de surface et souterraines.

Ainsi, la tétracycline a été détectée dans 49 % des échantillons de sols prélevés en Allemagne en 2002. Tous dépassaient en concentration les normes sanitaires permises. D’autres recherches allemandes ont permis de découvrir que certains de ces médicaments sont toxiques pour les bactéries, les algues, les poissons et les vers de terre. Ils affectent la consommation de l’oxygène, la germination et la croissance des plantes. Enfin, ils possèdent un effet de stimulation sur les bactéries pathogènes: celles-ci finiront inévitablement par développer une résistance. Ce qui pourrait signifier d'autres pandémies comparables à la fièvre aviaire ou au SRAS, causées par des micro-organismes ayant subi des mutations inattendues.

" La science connaît peu les réactions de ces produits pharmaceutiques entre eux et encore moins leurs interactions avec les pesticides ", a mentionné Paul Van den Brunk, de l’Institut de recherche Alterra, aux Pays-Bas, à l’occasion du Symposium sur la toxicité en environnement qui avait lieu jusqu'au 22 avril à Prague, sous l’égide de la Society of Environmental Toxicology and Chemistry.

Des eaux contaminées

Aux médicaments administrés aux animaux, il faut ajouter ce que rejettent les hôpitaux et les cliniques privées européennes, a déploré de son côté une équipe de l’Institut technologique Flemish de Belgique. Elle a découvert que les affluents des rivières belges reçoivent, via les égouts municipaux, des dizaines de composés et de métabolites possédant des caractéristiques écotoxicologiques élevées. Une seconde série de tests a permis de déceler une forte présence d’oestrogènes et d’androgènes là où les usines de filtration ne possèdent pas la technologie adéquate pour retenir ces médicaments avant qu'ils ne passent dans la rivière.

Or, on sait maintenant que la consommation d’œstrogènes depuis près de 40 ans provoque une mutation sexuelle chez plusieurs espèces aquatiques. Une exposition des embryons à d’autres produits, tels que les antidépresseurs et les antibiotiques provoque un taux élevé de mortalité chez les uns et un affaiblissement des capacités musculaires chez d’autres, a expliqué le chercheur français Benoit Fraysse.

" Les effets cumulatifs et complexes des médicaments entre eux devraient imposer de soi que tout produit pharmaceutique ne soit pas être commercialisé sans une évaluation de ses risques environnementaux ", a conclu Paul Van den Brunk.

Denise Proulx

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