
Le 21 septembre 2005

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Humains: l'évolution se poursuit
(Agence Science-Presse) - De l'australopithèque
jusqu'à nous, il y a 3 millions d'années d'une
évolution parfois nette, parfois obscure. Mais qu'y
aura-t-il après nous? L'humain est-il encore en train
d'évoluer? Pour la première fois, des généticiens
croient en avoir trouvé un indice dans le cerveau.
Dans le cerveau, en effet, et pas ailleurs.
Car s'il y a un organe-clef dans l'évolution, c'est
bien celui-là. Avec ses 1350 centimètres cubes,
le cerveau humain est plus gros, toutes proportions gardées,
que celui de la plupart des animaux. Ses capacités
cognitives nous ont entraîné si loin des cousins
primates qu'on a tendance à le voir comme un aboutissement.
Mais en réalité, il n'y a aucune raison pour
que notre cerveau ne soit pas encore en train d'évoluer.
Qu'est-ce qui permettrait de déceler
une telle évolution, sachant qu'elle s'étend
sur des centaines de milliers d'années, voire sur
des millions d'années? Dans une édition récente
de la revue Science, deux études dirigées
par un même généticien affirment avoir
trouvé: deux gènes, déjà connus
pour leur lien avec la croissance du cerveau, auraient continué
d'évoluer jusqu'à une date très récente.
La dernière mutation remonterait à moins de
6000 ans, ce qui est si bref à l'échelle génétique
qu'on peut en déduire que l'évolution est
toujours en cours.
Ce n'est pas une preuve définitive,
insistent les chercheurs et tous les scientifiques qui ont
commenté cette découverte depuis deux semaines.
Mais c'est la percée la plus significative qu'on
ait jamais eu dans cette direction.
Les gènes pointés par le généticien
Bruce Lahn, de l'Université de Chicago, sont des
allèles. On désigne par ce nom deux gènes
formant une paire, parce qu'ils ont un emplacement identique
sur deux chromosomes distincts, et parce qu'ils ont tous
deux la même fonction, mais l'exercent de façon
différente. Les deux gènes en question sont
responsables, entre autres choses, de la microcéphalie
primaire, un état qui entraîne la formation
d'un cerveau plus petit que la normale.
Si ces chercheurs se sont penchés sur
ces gènes, ce n'est pas par hasard: des travaux antérieurs
avaient conclu que la version humaine de ces gènes
avait été soumise à une "forte sélection
naturelle" depuis la séparation des chimpanzés
et des pré-humains en deux familles distinctes. Autrement
dit, les détectives de la génétique
étaient sur cette piste depuis des années.
D'autres gènes, dont un qui est associé à
notre système immunitaire, ont également été
identifiés au fil des ans comme des contributeurs
possibles à notre évolution.
Mais ce que Lahn et ses collègues apportent
de neuf, c'est la date extrêmement récente
où ils situent les toutes dernières mutations
de ces deux gènes. Les chercheurs ont comparé
pour cela les séquences génétiques
de 90 individus des quatre coins du monde. Compte tenu de
la fréquence étonnamment élevée
à laquelle ces allèles apparaissent, ils en
déduisent sur la base de ce que nous connaissons
des mutations, mais ils ne peuvent en apporter de preuve
concrète que l'un des deux gènes (microcéphaline)
est apparu il y a 37 000 ans et que l'autre (ASPM) a surgi
il y a 5800 ans. Soit juste au début de l'époque
dite historique.
Le jeune âge de ce dernier, et le fait
qu'il se soit pourtant répandu extrêmement
vite chez au moins 30% d'entre nous, suggère qu'il
confère ce que les biologistes appellent un avantage
évolutif.
Lequel? Quel serait cet avantage que notre
cerveau aurait acquis par rapport à nos ancêtres
d'il y a plus de 6000 ans? C'est là une question
à laquelle personne ne peut répondre pour
l'instant. Et c'est bien pourquoi les anthropologues se
sont montrés extrêmement prudents face à
cette découverte. Peut-être cet allèle
confère-t-il un avantage évolutif, mais peut-être
qu'au contraire son absence ne change rien du tout. Peut-être
y a-t-il d'autres gènes encore à découvrir
qui ont subi d'autres mutations à une époque
récente. Toute tentative, aussi séduisante
soit-elle, pour lier ces mutations à des événements-clefs
de la préhistoire humaine relève de la pure
spéculation.
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