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Semaine du 29 septembre 1997


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C'est quoi, El Nino?

 


On parle énormément de lui cette année: en fait, il est devenu une vedette. Il s'appelle El Nino, et il existe depuis des siècles. Mais il n'a jamais été autant étudié que cette année -et c'est peut-être la raison pour laquelle on parle autant de lui cette année.

 

El Nino, c'est un courant d'eau chaude. C'est un cycle. C'est un phénomène climatique. C'est un effet domino. C'est une partie d'un plus vaste bouleversement climatique, connu sous le nom de El Nino Southern Oscillation, ou ENSO.

En fait, on ne sait pas exactement ce que c'est. On sait que c'est gros -une fois et demie la taille des Etats-Unis. On sait qu'il arrive, qu'il est à nouveau avec nous cette année, après une absence de six ou sept ans -mais c'est à peu près tout ce qu'on sait de lui. Sinon qu'il réchauffe l'eau du Pacifique. Laquelle eau, réchauffe à son tour l'air. Lequel air plus chaud produit son petit effet au-dessus des terres entourant le Pacifique, de l'Australie à l'Alaska en passant par les Etats-Unis -et au-delà.

Ceci étant, au cours des derniers mois, on a accusé El Nino d'à peu près n'importe quoi, des feux de forêts aux inondations en passant par les sécheresses.

Les climatologues disent que c'est le plus puissant El Nino de l'histoire récente. Le plus puissant, à tout le moins, depuis son dernier pic, en 1982-1983. A cette époque, quelque 2000 personnes avaient perdu la vie dans des inondations, des glissements de boue, des incendies et des sécheresses, des dizaines de milliers avaient dû quitter leurs maisons, et les pertes économiques s'étaient élevées à 8 milliards $ à travers le monde -dont 1,5 milliard aux Etats-Unis seulement.

Ces chiffres proviennent d'un article paru à la Une du Washington Post le 21 septembre. Car El Nino, phénomène rare pour un phénomène climatique, a fait la Une de très nombreux journaux depuis quelques semaines.

En vaut-il la peine? Est-ce vraiment le pire du siècle, comme titrait le Time cet été?

Certains commencent au contraire à dire tout haut que le fait qu'on ait davantage de moyens pour l'observer aujourd'hui qu'en 1982 le fait paraître pire qu'il ne l'est en réalité. Il est certain que ce phénomène cyclique -il revient à des intervalles variant entre deux et sept ans- atteint cette année le sommet de son cycle -mais quant à savoir si celui-ci est vraiment le pire des 150 dernières années, c'est une autre histoire.

"Nous nous préparons pour le pire, mais nous espérons le meilleur", a déclaré au Washington Post Douglas P. Wheeler, secrétaire californien aux ressources, en énumérant les colloques scientifiques, symposiums et autres audiences tenues cet été ou prévues cet automne autour du désormais célèbre El Nino.


L'Enfant du Christ

El Nino atteint généralement sa plus haute intensité en décembre, d'où son nom, l'Enfant du Christ en espagnol, qui lui a été donné il y a longtemps par des pêcheurs péruviens. Si la tendance se poursuit, évaluent les scientifiques, la version 1997 d'El Nino pourrait amener une chaleur telle dans l'océan que la température à la surface grimperait en moyenne de 3,5 degrés Celsius -avec des impacts ressentis sur mer et sur terre: entre autres, des récoltes perdues. Les producteurs équatoriens de cacao évaluent à pas moins de 60 p. cent leurs pertes potentielles.

Mais El Nino aurait aussi des avantages. Au Pérou, habitants et touristes ont pu profiter de plages magnifiques en plein milieu de l'hiver. Aux Etats-Unis, les résidents de la côte Est pourraient faire face à moins d'ouragans en provenance de l'Atlantique.

Tout ceci dépend-il vraiment d'El Nino? Et si oui, comment départager les prévisions alarmistes de celles qu'il faut prendre au sérieux? Nul ne peut le dire, déclare la columnist du Philadelphia Inquirer.

"Il est difficile de donner du sens à El Nino. C'est peut-être le seul événement météorologique régulier dans le monde entier, et pourtant, il réussit à surprendre chaque fois qu'il réapparaît -comme il vient, tout récemment, de le faire dans l'Océan Pacifique."

"El Nino travaille de façons apparemment paradoxales. Toutes les quelques années, pour de mystérieuses raisons, les vents dans le Pacifique équatorial s'affaiblissent. Un courant d'eau chaude de surface soudainement vire de l'Ouest vers l'Est, réaménageant les vents globaux et le tableau des précipitations, amenant de fortes pluies dans certaines régions, aucune pluie dans d'autres, et le chaos ailleurs.


Des poissons tropicaux à San Francisco

Chose certaine, on a capturé cette année des poissons tropicaux sous le Golden Gate, rapportaient le 3 septembre les journaux de San Francisco. La présence du Mahi mahi, un poisson vorace qu'on ne trouve normalement que dans les eaux équatoriales, a été signalée, ainsi que celle de l'espadon. Plus au Sud, des pêcheurs californiens ont dit avoir aperçu des poissons encore plus exotiques.

Dans plusieurs parties du globe, selon le Washington Post, les effets d'El Nino auraient commencé dès cet été. En Indonésie, où la sécheresse a commencé dès le mois de mai, les plantations de café sont menacées. Et ce risque n'était rien à côté de celui des incendies de forêts, qui se répètent chaque année là-bas, mais que la sécheresse de cet été -attribuable ou non à El Nino?- a considérablement amplifiés.

Autrement dit: les incendies désastreux de cet été, qui depuis l'Indonésie, envoient un panache de fumée au-dessus de toute l'Asie du Sud-Est, ne sont pas causés par El Nino, mais par l'homme. Mais la sécheresse dévastatrice, qui a empiré les choses, pourrait, elle, être dû à El Nino.

Ceci dit, dans la mesure où les scientifiques eux-mêmes avouent leur profonde ignorance devant El Nino, on n'est guère plus avancé. Ce n'est que depuis les années 70 que son impact planétaire est devenu évident, bien qu'il soit connu des pêcheurs péruviens et étudié par les océanographes et les biologistes marins -en raison de son effet sur les populations de poissons- depuis beaucoup plus longtemps. Et encore a-t-il fallu attendre les désastreuses températures de 1982-1983 pour générer une attention accrue de la part des scientifiques et des décideurs.

C'est la raison pour laquelle le El Nino de 1997-98 sera le plus étroitement observé de l'histoire: navires océanographique dans les eaux tropicales du Pacifique, satellites et bouées stationnaires pour récolter des montagnes de données sur la température à la surface de l'eau, la vitesse et la direction des vents, et les courants océaniques.

El Nino revient-il plus fréquemment, et avec plus de force, depuis le début des années 90, comme le prétendent certains, en raison du réchauffement global causé par l'activité humaine? Ou tout cela fait-il partie de fluctuations normales mais encore largement inconnues, dans la vie de notre planète? Peut-être en saurons-nous un peu plus à la fin du présent cycle...


La "page officielle" du El Nino Southern Oscillation (ENSO)