La chèvre-araignée québécoise
(ASP) - La chèvre productrice de
toile d'araignée frappe encore. Après avoir
frappé l'imagination il y a près de deux
ans, elle entre dans le champ de la recherche scientifique
lue et approuvée, avec la parution d'un article
dans la dernière édition de la revue Science.
Pourquoi de la toile d'araignée?
Parce que même les fibres les plus coûteuses
fabriquées par le génie humain n'arrivent
pas à la hauteur de cette substance. La toile d'araignée
est plus solide que de l'acier, et s'étire mieux
que le nylon. D'où l'intérêt, pour
nombre d'entrepreneurs, d'en produire. Beaucoup.
Mais qu'est-ce que vient faire une chèvre
là-dedans? Eh bien, il y a un siècle que
des entrepreneurs cherchent à élever des
araignées pour produire de ce "tissu" en quantité
suffisante pour qu'il soit commercialisable. Sans grand
succès. Plus récemment, ils se sont donc
tournés vers le génie génétique:
en transférant le gène approprié
de l'araignée dans un animal, ne pourrait-on pas
obtenir cette fibre magique -par exemple, dans le lait
de cet animal?
Il a fallu 10 ans pour y arriver, et avant
de penser à la chèvre et à son lait,
d'autres équipes ont tenté de transférer
des gènes d'araignée dans la bactérie
connue sous le nom de levure de bière; puis, dans
des hamsters. C'est finalement avec la chèvre qu'est
arrivée à ses fins, il y a près de
deux ans, la firme québécoise Nexia Technologies,
de Sainte-Anne de Bellevue: les chèvres nées
avec ce gène produisent, dans leur lait, une protéine
qui, une fois extraite et synthétisée, donne
le matériau souhaité. Ce n'est plus exactement
de la toile d'araignée, mais ça en a toutes
les propriétés, décrit le signataire
principal, Anthoula Lazaris.
Reste un menu problème: produire
de cette fibre en grande quantité, sans qu'il en
coûte une fortune. Les filles des premières
chèvres de cette "lignée" sont elles-mêmes
déjà enceintes, ce qui devrait fournir une
"garnison" plus importante, et donner, dans la prochaine
année, une meilleure idée de ce qui pourra
être un jour produit.
Peut-être moins réjouissant
est le fait que parmi les entrepreneurs intéressés
figure au premier plan
l'armée. Un tissu
ultra-résistant, mais souple, cela peut en effet
servir à fabriquer d'excellents gilets pare-balles.
Ce n'est pas un hasard si c'est depuis les années
60 que l'armée américaine travaille sur
les araignées et leurs toiles. L'armée américaine
et le ministère canadien de la Défense ont
contribué financièrement à ce projet
de "chèvre-araignée", et parmi les neuf
signataires de l'article
paru dans Science, six sont de Nexia et trois du
Commandement chimique et biologique de l'armée
américaine à Natick, Massachusetts.