Jouer à la bourse: comme jouer
à la loterie
(ASP) - Quelles sont les chances de gagner
le gros lot en misant, à la bourse, sur des compagnies
qui viennent d'émettre leurs premières actions?
À moyen et à long terme, pas beaucoup, à
moins de jouer au golf avec René et Céline,
ou de connaître le futur Microsoft! On a plus
de chances en jouant
à la loterie!
Maher Kooli a observé dans sa thèse
de doctorat en sciences de ladministration, à
luniversité Laval, quelques anomalies dans
le marché boursier canadien, dans le cas de ce
qu'on appelle les émissions initiales de petites
tailles : elles sont sous-évaluées
à lentrée au marché, puis subissent
tôt ou tard une contre-performance.
À titre dexemple, le cas, bien
médiatisé il y a quelques années,
de Yahoo où, dès l'ouverture, les actions
étaient en deçà de la norme, ont
gonflé de 500% en quelques heures, avant de chuter
complètement. Ce phénomène nest
donc pas rare et touche les secteurs dits à risque
ou de forte activité, tels que le secteur technologique.
Comment peut on expliquer ce phénomène ?
Maher Kooli, actuellement chercheur postdoctoral au centre
interuniversitaire de recherche en analyse des organisations,
émet deux hypothèses. La première
est dordre tactique : il faut attirer le plus
d'investisseurs dans des milieux de forte activité,
où la compétition est grande. Les premières
émissions seront donc, dès lentrée
en Bourse, sous-évaluées. La deuxième
hypothèse est dordre psychologique :
dans le secteur technologique, les émissions sont
de petites tailles, donc très accessibles. Ces
émissions suscitent lengouement de lacheteur,
puis la déception devant le manque de performance
de lentreprise à moyen et à long terme.
Alors à qui profite le crime ?
Pas à lentreprise qui prend dénormes
risques financiers, puisquelle perd 20 à
30% à la sous-évaluation. Pas à monsieur
et madame tout-le-monde qui est rarement un spécialiste
en Bourse, car laction subit typiquement un recul
de 15 % après 3 ans et 39% après 5 ans.
Par contre, on pourrait pointer du doigt les investisseurs
institutionnels, qui représentent 75% des souscripteurs.
Après les 90 premiers jours, pendant lesquels une
revente des actions est interdite, ceux-ci revendent toujours,
à court terme, à un prix supérieur.
Peut-on conclure pour autant à une
arnaque ? Du style : les sociétés
à risque savent très bien quelles
sont à risque, et leurs administrateurs ou leurs
initiés sauront très bien, eux, retirer leurs
billes à temps, lorsque laction sera à
son plus haut? Maher Kooli ne se prononce pas sur la question,
mais propose une alternative aux jeunes entreprises qui
veulent entrer en Bourse. Il existe en effet un palier
transitoire à la Bourse, méconnu, le programme
Junior Capital Pool de la Bourse de lOuest. Les
émissions y sont gelées pendant 18 mois,
le temps à la jeune entreprise de développer
une activité principale; puis elles sont réintroduites
au prix réel du marché.
Mais Maher Kooli met également en
garde monsieur et madame tout-le-monde qui tiennent malgré
tout à investir dans des émissions initiales
dactions...
Anne Nabet