Mieux comprendre la leucémie
infantile
(ASP) - La leucémie, ou cancer du
sang, se joue encore de la plupart des traitements. Mais
voilà qu'une équipe de chercheurs montréalais
affirme avoir franchi un pas important pour la compréhension
de la leucémie infantile: une protéine,
une banale protéine, qui se serait révélée
inactive chez les jeunes malades.
Ce mal se caractérise par un blocage
de la production de nos anticorps, mais on ignorait jusqu'ici
comment s'opérait ce blocage. Il a fallu quatre
années de travail aux chercheurs, dirigés
par la Dr Trang Hoang, pour mettre le doigt sur la cause:
ils ont identifié une nouvelle fonction d'une protéine,
appelée E2A. Cette protéine, lorsqu'elle
est codée correctement par un de nos gènes,
s'avère essentielle au développement normal
des lymphocytes B -c'est-à-dire les cellules qui
produisent les anticorps, nos armes contre les virus et
autres bactéries. Elle joue aussi un rôle
de gendarme, en maintenant la croissance de nos cellules
sous contrôle.
Or, l'équipe, attachée à
l'Unité de recherche en hématopoïèse
et leucémie de l'Institut de recherche clinique
à Montréal (IRCM), a pu constater que chez
les enfants atteints de leucémie, le gène
produisant cette protéine était souvent
inactivé. Conséquence: le corps produit
moins d'anticorps et les cellules malades se multiplient
de façon incontrôlée.
"Nous savions quil y avait prolifération
des lymphocytes, raconte la Dr Hoang, mais nous ne connaissions
pas le processus, à savoir comment se fait cette
prolifération. En fait, E2A agit comme un frein
à la prolifération des lymphocytes, lorsque
ce frein est relâché la prolifération
devient incontrôlée et cest ce qui
serait à la base de la leucémie".
Ce qui donne encore plus dimportance
à la découverte, cest que, "actuellement
nous connaissons beaucoup doncogènes", c'est-à-dire
des causes de cancer (le tabac, par exemple, différents
produits chimiques, etc.). "En revanche, les antioncogènes
que nous connaissons peuvent presque se compter sur les
doigts de la main": si cette protéine en est
un, c'est une découverte qui ouvrira peut-être
un jour la porte à un traitement.
En attendant, léquipe veut
tenter de confirmer sa découverte par dautres
approches et vérifier si un mécanisme comparable
pourrait se trouver dans la leucémie myéloïde,
qui est la forme la plus fréquente chez ladulte.
"Nous voulons aussi chercher à corriger cette
inhibition, mais il sagit là de quelque chose
qui ne peut se faire quà très long
terme".
La découverte de cette équipe
montréalaise a fait l'objet d'un article publié
dans le numéro de février de Molecular
and Cellular Biology, une importante revue américaine
dans ce domaine très spécialisé.
Des travaux précurseurs avaient déjà
été publiés dans la prestigieuse
revue britannique Nature Immunology en août
2000.
Jacqueline Bousquet