La récupération au
Québec: deux poids, deux mesures
(ASP) - En l'an 2000, les Québécois
ont récupéré 322 000 tonnes de déchets
domestiques en participant à leur collecte sélective
municipale. Une solide progression, puisque cétait
près de 200 000 tonnes de plus quen 1992.
Selon le Bilan 2000 de la gestion des
matières résiduelles au Québec,
950 municipalités, représentant 89% de la
population, pratiquent le recyclage des matières
résiduelles domestiques. En ajoutant leffort
réalisé par des industries, des commerces
et des institutions, ce sont au total 2,5 millions de
tonnes métriques de déchets qui ont ainsi
été retirés des lieux denfouissement.
À première vue, il y a donc
de quoi se féliciter. Précédé
de peu par lOntario, qui compte un volume légèrement
supérieur de récupération, avec 96%
des foyers équipés de bacs verts, le Québec
est lune des provinces canadiennes les plus dynamiques.
Une analyse détaillée des
chiffres présente toutefois un tableau plus sombre.
" Quand on regarde de près ce que les
citoyens mettent dans leur bac, on constate que les chiffres
sont passablement galvaudés ", dénonce
Maryse Vermette, directrice générale de
la MRC de Lajemmerais, première municipalité
régionale de comté à avoir établi
un système de collecte sélective des déchets,
en 1991. " Recyc-Québec se garde
bien de dire quenviron 20 % de ce qui est récupéré
retourne à lenfouissement ",
ajoute Karel Ménard, du Front commun québécois
pour une gestion écologique des déchets.
Depuis 1998, ce Front commun scrute région
par région les données disponibles sur la
gestion des déchets. Il en ressort quentre
1988 et 2000, les Québécois ont généré
40 % plus de déchets, passant de 7 à 11
millions de tonnes. Or, le Plan daction québécois
sur la gestion des matières résiduelles
1998-2008 a fixé son objectif de récupération
à 65% des matières résiduelles recyclables,
et ce, en se basant sur le tonnage produit en 1996. En
tenant compte de laugmentation du volume des déchets,
le véritable taux de récupération
en 2008 sera donc de 37 %
soit le même que
celui de 1998!
Depuis 1995, pendant que les citoyens étaient
invités à de plus grands efforts, le ministère
de lEnvironnement autorisait par décret lagrandissement
et létablissement dau moins 26 lieux
denfouissement sanitaire (LES), tandis que le Bureau
daudiences publiques en environnement analysait
au moins une demande dagrandissement dun LES
par région administrative.
Enfin, il y a un dernier problème.
Malgré la hausse du volume récupéré
au fil des années, les revenus totaux de la vente
du papier, du verre, des métaux et des plastiques
ont chuté de 25,8 millions $ en 2000 à 18,8
millions $ en 2001.
Une gestion sans contrôle
Michel Lambert, du Conseil régional
en environnement (CRE) de Lanaudière, estime que
seule une gestion totalement publique des déchets
peut produire des résultats valables en matière
de récupération et de recyclage. À
défaut dun tel choix politique, son organisme
milite pour limposition dune redevance à
la tonne enfouie. À loccasion du Colloque
sur les matières résiduelles organisé
par Recyc-Québec, le gouvernement du Québec
a confirmé quil songeait sérieusement
à imposer cette solution.
À l'heure actuelle, dans la plupart
des MRC, la collecte pour la récupération
et lenfouissement est réalisée par
une entreprise qui, souvent, gère aussi le tri
et la revente au recyclage. Selon les régions et
la densité du territoire, il en coûte, pour
chaque foyer, entre 14$ et 46$ par tonne par année
pour lenfouissement
contre 125 à 250$
par tonne pour la récupération. Les campagnes
incitatives sont donc très rares!
" Une redevance de 10$ à
15$ par tonne métrique enfouie, versée à
un Fonds destiné au développement de marchés
de recyclage et à la sensibilisation, donnerait
amplement dargent pour financer la récupération",
évalue Gilles Côté, porte-parole du
Regroupement national des CRE du Québec.
La loi 102
Le gouvernement du Québec sest
rangé en partie du côté de ces arguments
des environnementalistes. Analysé en mai dernier
en commission parlementaire, le projet de loi 102, modifiant
la Loi sur la qualité de lenvironnement et
la Loi sur la Société québécoise
de récupération et de recyclage, donne effectivement
à Recyc-Québec le pouvoir dimposer
une redevance aux entreprises. Résultat: lindustrie
des emballages et celle des imprimés devra dorénavant
assumer 50 % des coûts nets de la récupération
pratiquée par les municipalités. Recyc-Québec
entend aller plus loin. " On ne peut pas éviter
de penser à une tarification à la tonne
de déchets enfouis et à une hausse du coût
de lenfouissement. On évalue aussi lhypothèse
dimposer un permis à lexploitant du
lieu denfouissement. En Ontario, il coûte
50 000$ et ici à peu près zéro",
raconte Jean-Maurice Latulipe, président de Recyc-Québec.
M.Latulipe souhaite également publiciser les ententes
établies avec les gestionnaires d'édifices
publics qui intégreront la récupération
dans les espaces à bureaux.
Denise Proulx