Ubiqui-quoi?
(ASP) - Déjà récompensées
en 2004 par un prix Nobel de chimie, les recherches sur
lubiquitine, une protéine méconnue
mais fondamentale au bon fonctionnement de notre corps,
viennent de connaître un nouveau développement.
En décembre, léquipe de Michel Bouvier,
professeur au département de biochimie de lUniversité
de Montréal annonçait la mise au point dune
technique inédite permettant de suivre en direct
l'ubiquitine à lintérieur même
des cellules.
Le nom ubiquitine provient de ubiquité,
parce qu'elle est présente dans la plupart des
organismes vivants évolués, y compris nous-mêmes.
En se fixant sur certaines protéines, elle agit
comme une étiquette qui permet à la machine
cellulaire de reconnaître les protéines,
puis de les éliminer. " Au départ,
explique M. Bouvier, ce processus de fixation (d" ubiquitination ")
qui a lieu à lintérieur de la cellule
était juste associé à la dégradation
des protéines en fin de vie ou non fonctionnelles."
Cétait déjà,
en soi, dune grande importance. Mais aujourdhui,
il est établi que lubiquitination et la dégradation
qui sensuit jouent un rôle majeur dans le
fonctionnement de la cellule, notamment dans le processus
de réparation de lADN, le contrôle
de lexpression des gènes, etc.
Le sujet est donc plus que jamais " brûlant ",
fait valoir M. Bouvier, parce que si lubiquitine
est impliquée dans les aspects les plus fondamentaux
de la vie de la cellule, elle devient du coup un levier
sur lequel il est possible dagir quand un dérèglement
(qui mène éventuellement à une maladie)
est observé. Ainsi, les chercheurs rêvent
déjà dutiliser cette petite molécule
comme une cible dans le traitement du cancer, de lasthme
ou de la résistance à certains médicaments.
Et cest là que loutil
développé par léquipe de M.
Bouvier se révèle dune grande utilité.
Le principe consiste à mesurer en temps réel
léchange dénergie entre lubiquitine
et la protéine à laquelle elle sest
fixée. Plus une protéine est " ubiquitinée ",
plus léchange d'énergie est important.
Qui plus est, le système développé
dans les laboratoires de M. Bouvier permet aussi dobserver
les effets de laddition dune drogue, ou de
tout autre modification, sur le processus dubiquitination
et sur la dégradation de la protéine étudiée.
Or, en modifiant le processus qui conduit
à la dégradation dune protéine,
on devient capable de contrôler la quantité
de cette protéine. S'il s'agit d'une protéine
qui a pour fonction de limiter le développement
de tumeurs cancéreuses, on comprend que de plus
en plus de chercheurs se penchent sur le sujet.
Publié dans les pages de la prestigieuse
revue Nature Methods, larticle décrivant
par le menu la technique mise au point par léquipe
de M. Bouvier a déjà reçu un accueil
enthousiaste de la part des chercheurs qui uvrent
dans le domaine : " nous recevons des requêtes
deux à trois fois par semaine de scientifiques
partout dans le monde qui veulent utiliser notre système
dans leurs recherches ".