Québec rêve
aux diamants
(Agence Science-Presse) - Le Nord du Québec
s'avère un territoire prometteur pour trouver des
diamants. Il existe en fait une véritable course
au diamant, déclenchée il y a près
de huit ans avec la découverte de diamants dans
la région des monts Torngat ou Turngait,
"les esprits " en inuktitut à l'est
de la baie d'Ungava,. Mais cette course garde bien des
mystères.
"Depuis 1996,
tout
le Grand Nord est exploré, avec beaucoup de sociétés
actives à la Baie James, SOQUEM, Ashton Mining
of Canada, De Beers, Superior Diamonds, Dios, Majescor,
Dianor, entre autres. Les régions de l'Abitibi,
Pontiac, et Chapais Chibougamau sont aussi actives" résume
Tyson Byrkett, géologue de la Société
québécoise dexploration minière
(SOQUEM Inc.).
La présence de micro diamants dans
les roches de l'Est de l'Ungavva était connue.
" Seulement, il n'y avait pas de vrai potentiel commercial
dans ces roches", ajoute Tyson Byrkett. Et c'est arrivé
à ce stade que le mystère règne.
En dépit de nombreuses questions, rien ne transpire
sur les détails. Il faut bien avouer que, contrairement
à l'or, trouver des diamants demande de multiples
expertises, du temps... et connaître l'histoire
géologique du Canada.
Le Canada en tête
Au Canada, si les premières explorations
systématiques s'amorçaient déjà
dans les années '60, il a fallu 30 ans pour
qu'elles donnent leur premier fruit avec la découverte
d'une kimberlite diamantifère en 1991. Une
kimberlite (photo ci-haut: kimberlite, du
nom de la ville de Kimberley (Afrique du Sud) où
l'on a extrait les premiers diamants) est la roche
mère où se forment les diamants.
Quinze ans après cette trouvaille, la course
aux diamants se révèle très
gratifiante, les deux principales mines en exploitation
dans les Territoires du nord-Ouest, au 52e
parallèle et plus au nord placent déjà
le Canada en 3e place des pays
producteurs de diamants.
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La
formation des diamants
Les
diamants se forment à des profondeurs de
plus de 125 kilomètres sous la croûte
terrestre, qui mesure environ 30 km, sous la partie
basse de la lithosphère là où
on ne peut pas aller les chercher. Au sein de ces
profondeurs se produit parfois un phénomène
de dégazage: le gaz se fraie un chemin à
travers la roche en une sorte de colonne. Une éruption
rapide où le magma de roches en fusion monte
au sein de modestes cheminées, larges de
moins d'un kilomètre de diamètre.
La montée doit être cependant rapide
sinon les diamants rétrogradent en graphite
(mine de crayon) et en CO2.
Sites
utiles
Diamants
infos
Musée
canadien de la nature
Le
Canada : une nation productrice de diamant
Exploration
des diamants
Les
diamants par
SEED
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Depuis, il y a beaucoup d'activités,
surtout dans les TNO mais aussi en Ontario, au Manitoba,
en Saskatchewan et en Alberta. Les régions les
plus propices à la découverte de kimberlites
diamantifères sont les parties les plus âgées
du Bouclier canadien, donc des régions où
les roches sont âgées de plus de deux milliards
d'années. Au Québec, ces roches sont situées
grosso modo au nord du 52e parallèle, soit à
peu près à la latitude de la baie James
et plus au nord dans le Nunavik.
La contagion
Il y a moins de dix ans, cette fièvre
a gagné le nord du Québec. Certes, un géologue
nommé Robert Bell fouillait déjà
en 1895 le canton de l'Isle-Dieu (Matagami), et on recense
diverses recherches dans le lit de trois rivières
de la région en 1912 et 1928... mais sans aucun
résultat. En 1996, le joint venture Soquem-Ashton
a entrepris des travaux de reconnaissance dans une vaste
région du nord, entre les 50e et 60e parallèles.
Les géologues ont procédé à
l'échantillonnage de sédiments d'eskers.
Ces petits lits de ruisseaux composés de dépôts
de sable et de gravier proviennent des eaux de fonte de
glaciers. C'est là que des compagnies majeures
De Beers et BHP Billiton se sont jetées
dans la course. Et à l'automne 2001, le tandem
Soquem-Ashton a annoncé la découverte de
cheminées kimberlitiques dans la région
de la Baie James. Le camp "secret" est situé entre
la rivière Eastmain et le lac Mistassini.
"C'est la découverte de fragments
rarissimes provenant de roches kimberlitiques qui nous
permet éventuellement de trouver des diamants,
mais cela nécessite de longues années de
recherche dans la plupart des cas", explique Michel Parent,
de la Commission géologique du Canada.
Ce géologue du Quaternaire s'intéresse
à l'action des anciens glaciers. Il est l'un des
rares capables de lire le paysage afin de retracer les
kimberlites. Les anciens glaciers qui recouvraient durant
les deux derniers millions d'années de grandes
parties des continents de l'hémisphère nord
en ont érodé la surface de façon
plus ou moins intensive. Puis les glaciers ont transporté
les fragments de roche de toutes tailles, souvent à
de grandes distances de leur lieu d'origine. Il faut donc
reconstituer la dynamique des mouvements glaciaires pour
élucider la provenance d'un diamant.

Ensuite, il faut aller sur le terrain. Au
grand bonheur de Michel Parent. "Ce n'est pas possible
de voir les égratignures de la glace sur le roc,
d'identifier les kimberlites et les minéraux indicateurs
du haut d'un avion."
Des yeux de lynx, du flair et de la
technologie
Une fois sur place, les kimberlites sont
très reconnaissables. D'un beige particulier, elles
se cachent
dans
des trous du paysage s'étalant sur une surface
modeste, à peine quelques centaines de mètres.
Il y a souvent des essaims de kimberlites... mais seulement
une kimberlite sur 100 est diamantifère !
Pour identifier les "bonnes" kimberlites,
il faut analyser les divers minéraux qu'elles
contiennent. Les géologues vont recueillir des
kilos d'échantillons sur différents sites,
les transporter par hélicoptère et les identifier.
Ils seront envoyés à un laboratoire où
un minéralogiste les inspectera.
Tout cela prend du temps. "Il est normal
de prendre de huit à dix ans entre la découverte
et la construction d'une mine, relève Tyson Byrkett.
Et même une fois la kimberlite diamantifère
trouvée, ce n'est pas fini : il faut extraire les
diamants au sein d'un territoire généralement
éloigné et sortir un solide d'un autre solide
sans pour autant broyer les diamants. Une des techniques
fait circuler les pierres concassées au sein d'une
machine sous-pression avec un mélange d'eau et
de particules ferrosilicones; les morceaux les plus denses
coulent au fond et sont récupérés
pour le tri. Une autre machine bombarde de rayons X les
pierres qui avancent le long d'une rampe. Les diamants
deviennent fluorescents sous ce bombardement.
Dans tous les cas, les yeux des minéralogistes
sont sans doute les instruments les plus précieux.
Ce sont eux qui vont reconnaître les minéraux
indicateurs, distinguer les variations et ainsi isoler
les diamants. Seuls les plus purs se transformeront en
bijoux de prix. "Ce sont eux, avec leur grande qualité,
portent la mine", avoue Tyson Byrkett. Pour eux, que d'efforts
déployés !
Isabelle Burgun