Laisse béton
J'étais tranquille
j'étais pénard
Accoudé au comptoir
Le type est entré dans le bar
A commandé un café noir
Pis y m'a tapé sur l'épaule
Puis y m'a r'gardé d'un air drôle :
" T'as l'même blue jean
Que James Dean
T'arrêtes ta frime
J'parie qu'c'est un vrai Lévy Strauss
Il est carrément pas craignos
Viens faire un tour derrière l'église
Histoire que je te dévalise
A grands coups de ceinturon "
" Moi j'lui dis : Laisse béton "
Connaissiez-vous cette envolée
du chanteur français Renaud? Cétait
en 1977, dans les rues de Paris. Eh bien maintenant, le
mal est pris dans les écoles de Québec!
Et rien ne va plus.
Lengouement pour les
vêtements marqués chez les jeunes était
déjà pressenti, depuis quelques années
que les médias avaient parlé de cas de taxages.
Un jeune intimidait ou carrément agressait dautres
jeunes pour quils lui remettent leur casquette ou
leur vêtement de marque. À présent,
cet engouement est si bien répandu quil a
pu faire lobjet dune étude universitaire.
Deux professeurs du département
déconomie agroalimentaire et sciences de
la consommation de lUniversité Laval ont
mené un sondage de 89 questions auprès de
trois écoles secondaires de la région de
Québec et 1044 élèves. Marie J. Lachance
et Pierre Beaudoin ont récemment présenté
leurs résultats, dans le cadre des ateliers de
la consommation de lOffice de la protection du consommateur.
Leurs conclusions : Benetton, Gap ou Tommy Hilfiger
ont bel et bien la cote auprès des ados. Près
dun sur deux affiche une sensibilité supérieure
à la moyenne pour les vêtements marqués.
Leffet est dautant est plus marqué
(cest le cas de le dire!) chez les gars, lorsquils
sont plus jeunes et moins fortunés.
Là où cest
moins drôle, cest que ce goût-là
peut devenir une drogue. Du genre, plus tas de chums
et que tu veux épater la galerie, plus tes
frustré quand tas pas ton Tommy. En plus,
au bout de plusieurs mois, si cest une autre marque
qui prend la vedette, tu nas dyeux que pour
la nouvelle.
A proprement parler et pour
parler proprement : cest un besoin didentification,
dacceptation et dappartenance qui explique
lengouement des jeunes pour ces marques de prestige.
"Nous vivons dans une société de consommation
et on ne peut pas demander aux jeunes de sen exclure,
explique Marie Lachance. À moins dêtre
très autonome, ou aimer se démarquer, un
jeune ne va pas choisir une marque autre que celle qui
est populaire dans le groupe et qui présente l'image
la plus "in" ". Bref, y a de la pression sociale
chez les jeunes, mais y en a aussi pour les parents qui
ne trouvent pas ça très drôle non
plus: "les marques sont chères et les jeunes
ne veulent plus porter autre chose". Bonjour la société
de consommation!
On peut peut-être se
poser la question: quelle aurait été lampleur
du phénomène si James Dean avait signé
des jeans
.?