L'agriculture face au libre-échange
(ASP) - Il ny a pas que les participants
au Forum agraire du Sommet des peuples qui rejettent lidée
dune zone de libre-échange des Amériques
(ZLÉA). Les panelistes invités au Forum
agriculture de la Conférence de Montréal,
qui regroupe pourtant des gens daffaires, en plus
des fonctionnaires et des représentants dorganisations
humanitaires, ont eux aussi manifesté leurs inquiétudes.
"Ne laissez pas partir le train seulement
rempli de diplomates et de technocrates", rappelait
Victor Johnson au nom dAnthony Wood, ministre de
lagriculture et du développement rural de
la Barbade. "Il est essentiel que les pays en voie
de développement évaluent les impacts probables
des autres pays sur leur production alimentaire interne "
disait-il en citant en exemple les effets négatifs
des taux préférentiels sur léconomie
des petits pays. "74% de nos biens proviennent dimportations.
Si le prix de notre ressource première, le sucre,
chute à cause de la compétition des marchés,
nous navons plus dargent pour importer. La
ZLÉA doit mettre en place des politiques qui tiennent
compte de ces réalités."
La Banque mondiale prévoit que dici
30 ans, 61% de la population humaine habitera en ville.
Cet exode rural nest pas le fruit du hasard. Lintensification
de lagriculture, lachat des terres par des
multinationales, le financement indirect de lagriculture
dans les pays riches, le dumping de surplus
de stocks alimentaires dans les pays pauvres (vendus à
des prix impossible à concurrencer par les paysans),
la modernisation des fermes et lendettement, ont
énormément diminué la quantité
de fermes dans les pays. "Il y a 10 ans, il y avait
2000 producteurs dufs au Mexique. Aujourdhui,
il nen reste que 200", rapporte Serge Lefebvre,
vice-président de la Fédération des
producteurs dufs de consommation du Québec.
Les participants au Forum agraire du Sommet
des peuples ont pour leur part rappelé les inquiétudes
traditionnelles, comme celle de la perte de souveraineté
des pays et de leurs gouvernements face à des intérêts
corporatifs, ou laugmentation de la dépendance
envers les importations, qui menace la sécurité
alimentaire. Mais les gens daffaires présents
à la Conférence de Montréal, jeudi,
ont eux aussi beaucoup parlé des réalités
des pays en voie de développement.
Le Dr Carlos Aquino Gonzales, directeur
général de lInstitut Interaméricain
de coopération pour lagriculture (IICA),
a réclamé une mise en application du développement
durable: " nous devons protéger nos espèces
menacées, éviter la désertification,
la pollution, lérosion, préserver
nos ressources en eau potable, nos forêts et nos
zones rurales. Les effets pernicieux dun non-respect
de la ruralité dans les PVD pourraient affecter
la paix sociale dans nos pays." "Il y a de la place pour
les petits et les gros producteurs ", ajoute-t-il,
ce qui correspond à une des alternatives proposées
par la société civile, le développement
de coopératives rurales de culture biologique.
Nestor Osorio Londono, éminent conseiller
du gouvernement Colombien, de la FAO et de la CNUCED,
affirme pour sa part que les événements
de Seattle ont eu pour effet de renverser la vapeur. " De
nombreux pouvoirs publics écoutent des sources
indépendantes et freinent les ardeurs des investisseurs.
Ils cherchent des votes et parlent de protéger
les marchés souverains ".
"360 milliards $ de subventions sont
accordés dans les pays riches. Cest un obstacle
qui empêche les PVD de devenir concurrents."
Il admet que ce ne sera pas facile à éliminer,
mais que ça doit être une cible de la ZLÉA.
"La ferme semble simple lorsque le
tracteur est un crayon et quon le gère à
des milles de la terre. Il faut toujours garder ça
en tête", a rappelé un autre conférencier,
Murray McLaughlin de Foragen Technologies Management.