Le libre-échange laisse-t-il
une petite place à l'environnement?
(ASP) - Demandez à Pedro Da Motta
Veiga si les chefs dEtats discuteront denvironnement
au Sommet des Amériques et il vous répondra:
"je ne sais pas". Comme tout citoyen, ce consultant
permanent de la Confédération nationale
de lindustrie du Brésil lignore.
À la Conférence de Montréal,
vendredi matin cette réunion de décideurs
économiques précédant le Sommet proprement
dit- M. da Motta Veiga illustrait limpact qua
eu sur lenvironnement le Mercosur (entente commerciale
entre le Brésil, lArgentine, lUruguay
et le Paraguay). Bien que lentente ait amené
ces quatre pays à élaborer des lois pour
protéger la faune et la flore, leur mise en application
reste encore difficile. "Les initiatives de marché
où on voit les grandes entreprises adopter des
normes environnementales comme ISO 14 000 sont plus concrètes.
Ce sont surtout les entreprises qui exportent et qui sont
en contact avec lextérieur qui ont à
se plier à de telles exigences."
Pour sa part, Claudia Schatan, chef du développement
industriel à la Commission économique des
Nations Unies pour lAmérique latine et les
Caraïbes, témoignait de lapport de lALENA
au Mexique: il aurait permis daccélérer
la mise en application des règles environnementales.
"Par contre, le Mexique aurait aimé avoir
plus de temps pour négocier. Les États-Unis
et le Canada ont insisté sur la diminution de la
pollution. Cétait bien, mais nous avions
des préoccupations locales comme la gestion des
ressources naturelles, et il nen na pas été
question."
Paradoxalement, la pollution du Mexique
se serait accrue après la signature de lALENA,
à cause du nombre de manufactures étrangères
qui sy sont installées...
Et la ZLEA?
Faut-il voir dans tout cela des signes annonciateurs
du rôle secondaire que jouera lenvironnement
dans la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques)?
"Les événements de Seattle ont éveillé
les élus, rassurait le Québécois
Pierre-Marc Johnson vendredi matin. Ce climat de sensibilité
nexistait à peu près pas lors des
négociations de lOMC (Organisation mondiale
du commerce) et de lALENA. Les élus se sont
rendus compte, grâce aux manifestants, que les enjeux
étaient entre les mains des techniciens et de bureaucrates."
Mais quant à savoir comment lier
les préoccupations environnementales aux échanges
économiques, cest une autre histoire. "Ce
cadre (la ZLEA) ne tient pas compte dautres choses
que la circulation des biens", expliquait-il dans
le cadre dun des forums de la Conférence
de Montréal où les impacts de la ZLEA sur
lenvironnement occupaient une place centrale. "Trois
principes guident les négociations: faciliter la
circulation des biens, limiter les interventions des états
nations... et négocier 500 pages dexceptions!" Les
deux premiers principes mettent en cause la souveraineté
des Etats. Ensuite, les accords visent à gérer
la circulation de marchandises quantifiables." Or,
lenvironnement nest justement pas une marchandise
quantifiable, ce qui le rend si difficile à faire
entrer dans ces négociations.
Mais le conférencier, qui était
présent à un symposium sur le développement
durable cette semaine à Québec (en même
temps que le Sommet des peuples), sest dit étonné
de constater la volonté de prise en charge des
latino-américains, un changement considérable
depuis 10 ans, selon lui. "La société
civile doit pouvoir sexprimer et avoir un accès
direct avec ceux qui gouvernent, comme les industriels
en ont."
Cette rencontre de gens daffaires,
de gouvernements et dorganismes humanitaires quest
la Conférence de Montréal, permet des débats
didées sur des questions dactualité.
Reste à savoir si les débats rejoindront
les principaux intéressés: les chefs dEtats.