Au-delà des diètes:
l'opération
(ASP) - Il n'y a pas que les diètes
pour maigrir. Lorsqu'un problème de poids devient
vraiment trop lourd, au point de réduire l'espérance
de vie, lorsque tout le reste a échoué,
il reste les grands moyens: la chirurgie.
"La chirurgie est une intervention de dernier
recours", précise le Dr Simon Biron, chirurgien
à la Faculté de médecine de l'université
Laval. Il présentait, lors d'un récent colloque,
une intervention propre à son équipe de
chirurgiens, la chirurgie bariatrique. Cette opération
aussi particulière que délicate a redonné
espoir à 1400 patients depuis 1990. Car 90% d'entre
eux ont effectivement perdu de nombreux kilos et conservé
un poids très inférieur à cette dangereuse
frontière.
Il y a plusieurs définitions
pour l'obésité. Mais officiellement,
cet excès de poids est quantifié en
prenant l'indice de masse corporelle (IMC), que
l'on obtient en divisant le poids (en kg) par la
grandeur (m2). Ainsi, il y aurait près de
40% d'obèses au Canada contre une personne
sur deux aux Etats-Unis et 2 à 3% de
la population appartiendrait à la catégorie
dite des obèses morbides.
On parle d'obésité morbide
lorsque l'IMC est supérieur à 35 (voir
tableau), là où les risques de mortalité
s'élèvent dramatiquement. Lorsque
la personne possède un excès de poids
d'environ 100 lb, soit 45 kg, on parle alors d'obésité
morbide et le patient est éligible à
une chirurgie.
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Indice de masse corporelle (IMC)
21 à 24 = normal, zone sécuritaire
24 à 27 = embompoint
27 à 30 = obésité
30 à 35 = obésité
médicale
>35 = obésité morbide
>40 = obésité chirurgicale
(c'est généralement
le critère d'acceptabilité à
une chirurgie bariatrique)
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Combiner les effets positifs
La chirurgie bariatrique peut être
de deux types: restrictive ou malabsorptive. La première,
depuis longtemps mise en pratique, consiste principalement
en l'ablation de la partie basse de l'estomac. "Elle
est simple et donne une perte de poids significative",
souligne Simon Biron. La raison en est que si la partie
haute de l'estomac, grande et extensible, sert de réservoir
pour la nourriture, la partie basse est un véritable
muscle le malaxeur des aliments où
la bile et le liquide pancréatique neutralisent
les sucs gastriques. Si ce muscle est enlevé, l'estomac
perd donc de sa capacité d'absorption: les aliments
ne font que "transiter" et ressortent aussitôt par
les selles.
La chirurgie restrictive n'est toutefois
pas infaillible, reconnaît le Dr Biron on constate
une diminution de la qualité de vie et à
moyen terme, un regain de poids.
Le second type de chirurgie s'attaque à
l'absorption des aliments par des interventions particulières,
par exemple une dérivation des anses intestinales,
du jéjunum et de l'iléon (dérivation
jéjuno-iléale).
Une chirurgie combinant les deux méthodes
restriction et malabsorption est privilégiée
aujourd'hui. "La dérivation permet de porter les
aliments plus loin. On crée ce qu'on appelle le
syndrome de l'intestin court", explique le médecin.
Cette intervention offre une perte de poids atteignant
40% au bout de deux ans, tout en maintenant une bonne
qualité de vie.
Mais ce n'est pas une intervention bénigne.
Le risque de complications sérieuses s'élève
à 15%
et on compte un décès
sur 75 opérations. De plus, il faudra souvent modifier
son alimentation en diminuant les graisses et les sucres,
en plus d'avoir recours à des suppléments
de vitamines. "Pourtant, 92% des opérés
affirment qu'ils recommenceraient demain matin" constate
le chirurgien.
Les outremangeurs et les autres
Forts, gros, gras ou obèses: les
nombreux termes dissimulent un mal de vivre et des problèmes
de santé contrastés. Diabète, hypercholestérol,
apnée du sommeil, maladies cardiaques... Et le
regard de la société s'avère tranchant.
"Il y a de la discrimination. Pourtant, on ne devient
pas obèse morbide parce qu'on le veut. Le plus
fort sentiment chez mes patients est la honte. Honte d'avoir
échoué à contrôler leur poids."
Dire que l'obésité est seulement
due à des excès alimentaires, c'est en effet
se tromper. Il faut compter avec les facteurs génétiques
et environnementaux (culture, mode de vie, famille, etc.).
Une étude
sur des jumeaux réalisée autrefois par
le Dr Claude Bouchard de la Chaire sur l'obésité
de l'Université Laval révèle que
les causes seraient pour moitié génétiques
et pour moitié environnementales. Et de nombreux
obèses connaissent des problèmes physiologiques,
comme la difficulté à brûler les graisses
et les sucres.
Entre les diètes et la chirurgie,
la personne obèse a souvent eu recours à
des médicaments, tel l'orlistat (connu sous le
nom Xenical). Appelé aussi "pilule de la
diète", ce produit actif paralyse les enzymes du
duodénum pour les empêcher de rompre les
chaînes de lipides et de sucres. Ainsi, elles ne
sont pas absorbées et se retrouvent éliminées
par les selles. "C'est une opération en miniature.
Le patient va perdre 15-20 livres, un poids qu'il va malheureusement
reprendre à moyen terme", dit le médecin.
Il faut attendre près de quatre ans
avant de pouvoir espérer se faire opérer.
Près de 900 personnes patientent actuellement sur
la liste d'attente de l'hôpital Laval.