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Le 30 avril 2004



La nature dans l'oeil des maths

(ASP) - Pour apprendre comment se développent les plantes, on peut choisir d'étudier la biologie. Mais pourquoi pas les mathématiques?

Le biostatisticien Pierre Dutilleul est attaché à la Faculté de l'agriculture et des sciences environnementales de l'Université McGill. Rythmes, cycles, échelles, structures, etc: "je fais le pont entre les mathématiques et la biologie. Je cherche à apprendre comment une plante se déploie dans l'air, ou dans le sol, pour chercher la lumière, l'eau et les nutriments dont elle a besoin." Pour cela, il emploie les statistiques multidimensionnelles, tout particulièrement les fractales.

Les fractales sont des formes géométriques qui se répètent à différentes échelles. En d'autres termes, a jadis expliqué Benoît Mandelbrot, l'un des pères-fondateurs de ce qu'on appelle la théorie du chaos, ce sont des objets "ayant la propriété de pouvoir être décomposés en parties de telle façon que chaque partie soit une image réduite du tout".


La nature selon la dimension fractale

Lorsqu'on regarde un arbre, on devine d'emblée que sa structure complexe témoigne de ses particularités, de son adaptation au milieu et de son histoire propre (gels, tempêtes, faible ensoleillement et autres traumatismes). Mais comment en savoir plus? Appliquer les fractales a permis à Pierre Dutilleul de mieux expliquer le déploiement des feuilles en fonction de l'interception de la lumière. Il a du même coup réécrit une loi des sciences environnementales (la loi de Beer-Lambert) sur l'interception de la lumière en lui ajoutant une dimension fractale.

La technologie vient donner un coup de main: son équipe vient d'acquérir un tomodensitomètre, un "scanner", généralement utilisé dans les hôpitaux. Il "scanne" la plante –allongée sur la couchette– au moyen de rayons X, et l'ordinateur reconstruit fidèlement son image en 3 D.

"Auparavant, explique Pierre Dutilleul, nous pouvions voir seulement les lignes et les croisements du branchage. La tomodensitométrie nous permet littéralement de pénétrer au sein de la "canopée" de l'arbre." En dénudant l'arbre de ses feuilles –sur l'écran!– il est alors facile de suivre les différents embranchements, du tronc à la cime.

L'application de cette méthode lui a ainsi permis de suivre le développement de la structure d'un cèdre nommé Young Planar, entre juin et août 2003. Le jeune cèdre, âgé de 4-5 ans a grandi de 11 cm, s'est élargi de quelques centimètres, mais les plus grands changement sont survenus dans sa structure qui s'est mise à tourner et à se complexifier. " La dimension fractale (où la ligne équivaut à 1, le plan à 2 et le volume à 3) des branches est passée de 2,05-2,35 en juin à 2,45-2,65, ce qui signifie que l'arbuste est passé d'une structure planaire à une davantage curvilinéaire", explique Pierre Dutilleul, qui a présenté ses résultats au Joint Statistical Meeting 2003 de San Francisco.


Plus de contrôle de la nature ?

Outre le plaisir de comprendre comment se développe la structure d'une plante, et de pouvoir naviguer dans sa ramure grâce à l'informatique, cette piste de recherche a-t-elle des applications pratiques? "En comprenant comment la plante développe son système "racinaire", si riche et complexe, on pourrait par exemple maximiser la fertilisation et les soins", relève Pierre Dutilleul. Ainsi, en comparant le développement de différents cultivars, il sera possible de privilégier ceux offrant un rendement supérieur (pour l'agriculture), ou la plus grande quantité de feuilles (pour les plantes domestiques).

Le groupe de recherche du CT Scanning Laboratory for Agricultural and Environmental Research du campus Macdonald de l'Université McGill rassemble par ailleurs divers scientifiques dont un pédologue (un spécialiste de l'étude des sols), qui se penchera sur la progression de déversements d'huile au sein de différents terrains.

Avec l'étudiante Melinda Lontoc-Roy, le chercheur étudie actuellement la croissance des racines, bien plus ardues à distinguer dans le sol que les branches dans l'air. Avec le tomodensitomètre, près de 500 photos sont nécessaires pour reconstituer un cèdre de 50 cm. Il faut prévoir une quantité équivalente rien que pour obtenir la structure des racines d'un jeune plant de soja! Qui plus est, l'équipe ne maîtrise pas encore totalement cette technologie, plus adaptée à scruter l'humain que les plantes. Il faut aussi prendre quelques précautions avec de jeunes plantes, car une trop forte dose de rayons X peut les brûler.

Enfin, si les statistiques et les fractales s'avèrent de bons outils d'étude du monde vivant, elles possèdent certaines limites. "Le processus de développement d'une plante n'est pas stationnaire. Dans la vraie vie, cela ne se passe pas comme dans les livres de mathématiques."

 

Pour en savoir plus :

"Inclusion of the Fractal Dimension of Leafless Plant Structure in the Beer-Lambert Law" par Kayhan Kouroutan-pour, Pierre Dutilleul et Donald L. Smith, publié dans la revue Agronomy Journal, vol 93, no 2 (2001)

Lontoc-Roy, M., Dutilleul, P., Prasher, S. O, et Smith, D. L. "3-D Visualization and Quantitative Analysis of Plant Root Systems Using Helical CT Scanning" (2004)

"Effects of Plant population Density and Intercropping with Soybean on the Fractal Dimension of Corn plant Skeletal Images" par par Kayhan Kouroutan-pour, Pierre Dutilleul et Donald L. Smith, publié dans la revue J. Agronomy & Crop Science, 184 (2000)

"Advances in the implementation of the box-counting method of fractal dimension estimation" par Kayhan Kouroutan-pour, Pierre Dutilleul et Donald L. Smith, publié dans la revue Applied Mathematics and Computation, 105 (1999).

"Soybean Canopy Developpement as Affected by Population Density and Intercropping with Corn: Fractal Analysis in Comparison with Other Quantitative Approaches" par Kayhan Kouroutan-pour, Pierre Dutilleul et Donald L. Smith, publié dans la revue Crop Science, vol 39 (1999).

Isabelle Burgun

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