Le géant américain: aussi
menaçant qu'on le croit?
(ASP) - La crainte de lassimilation
des petites cultures par le colosse ne date pas dhier.
Cest même depuis les années trente
quon se méfie de lenvahisseur. La nouveauté,
cest la multiplication, entre autres grâce
à Internet, de la capacité à commercialiser
cette culture au niveau international.
Fernand Harvey, titulaire de la Chaire Fernand-Dumont
de lINRS-Urbanisation, Culture et Société,
souligne en ouverture du colloque Transmission de la
culture, petites sociétés, mondialisation
que "les petites cultures ne peuvent se contenter
de sappuyer sur des politiques culturelles datant
de la fin du XXe siècle pour survivre.
Il faudra ébaucher une nouvelle démarche
à léchelle mondiale".
En attendant, John Meisel, de lUniversité
Queens, propose des avenues de solution. Le cas
du Cirque du Soleil, bien quoriginaire dune
culture minoritaire, diffuse aujourdhui celle-ci
à travers le monde. De la même façon,
les manifestations culturelles telles que les festivals
de films de Montréal, Toronto et Banff, se différencient
nettement dévénements semblables aux
États-Unis. Ces exemples réaffirment lidentité
canadienne tout en sopposant à linvasion
américaine. Selon M. Meisel, il est donc possible
pour les petites cultures de "combattre la mondialisation
en développant et en maintenant leurs différences".
Ces déclarations avaient lieu en fin de semaine
à Québec, dans le cadre du colloque de la
Fédération canadienne des sciences humaines
et sociales.
Serge Proulx, de lUniversité
du Québec à Montréal (UQAM), se qualifie
de "pessimiste, mais avec une ouverture critique".
Cette ouverture lui fait affirmer que les États-Unis
ne sont quune source dinfluence parmi dautres
dans la construction de lidentité québécoise.
Il suggère toutefois une nouvelle source daméricanisation :
le design même des outils de communication. "Un
exemple, le micro-ordinateur; une certaine forme daméricanité
sest ancrée dans sa programmation, puisquil
a été conçu aux États-Unis."
Par contre, à mesure que les années passent,
les États-Unis représentent une part de
plus en plus réduite du marché mondial des
ordinateurs. De sorte que les modèles pourraient
séloigner progressivement de la culture d'origine
des concepteurs. "La Chine est dailleurs de
plus en plus présente dans ce domaine et certains
prévoient que dici quelques années,
lutilisation de la langue anglaise diminuera dans
les communications Internet."
Culture menacée : les autochtones sur Internet
Frits Pannekoek, de lUniversité
de Calgary, a constaté au fil de ses recherches
que pas un seul site Internet autochtone nutilisait
strictement la langue des ancêtres, la plupart empruntant
surtout langlais. De plus, comme les sites canadiens
bénéficient en majorité du support
des universités, leur propos demeure neutre, se
limitant souvent à la publicité touristique.
Selon M. Pannekoek, "Nous sommes un pays qui enterre
les langues autochtones." Daprès ses
recherches, seulement 25 % des autochtones peuvent
tenir une conversation dans leur langue et ce nombre chute
à 15 % pour ceux qui parlent cette langue
à la maison. Le chercheur opine donc dans le même
sens que Fernand Harvey : la seule façon dy
remédier nécessite dénormes
efforts de la part des gouvernements.