La Zone de libre-échange: une
menace pour l'Etat
(ASP) - "La Zone de libre-échange
des Amériques nest pas un accord strictement
commercial. Cest un projet qui menace lÉtat
de privatisation et deffritement, au profit des
grands financiers. " Cest en ces termes
très durs que Michel Chossudovsky, un économiste
de lUniversité dOttawa, condamne les
négociations engagées lors du Sommet de
Québec.
Les clauses démocratiques ou environnementales
ny changent rien: elles ne pèseront pas bien
lourd face aux privilèges immenses consentis au
investisseurs.
Le cur du problème: les
clauses qui accordent aux investisseurs étrangers
les mêmes droits quaux investisseurs nationaux.
À première vue, cela semble raisonnable.
Mais il faut voir comment ces droits sont définis,
souligne léconomiste. "On englobe presque
tout, y compris la santé, leau, les routes,
les services municipaux... Même un gouvernement
qui subventionne directement une garderie nuit à
linvestissement : il doit dabord faire
un appel doffres ouvert aux entreprises privées
de tous les pays dAmérique!"
Tout sera donc peu à peu transféré
vers le privé, estime Michel Chossudovsky, qui
s'exprimait dans le cadre d'une conférence spéciale,
au troisième jour du congrès
de l'Acfas, à Sherbrooke. Il rappelle que les
engagements pris par le fédéral engageront
tous les paliers de gouvernement, notamment le municipal,
qui gère des services tentants pour les investisseurs.
"Et comme la ZLEA sera enchâssée dans
le droit international, on ne pourra pas sy soustraire
sans sexposer à des poursuites devant les
tribunaux."
La Communauté européenne
est elle aussi basée sur un droit international
contraignant pour ses États membres, mais la comparaison
sarrête là. "LEurope repose
sur la mobilité de la main-duvre, ce
qui impose des salaires homogènes et la réciprocité
des avantages sociaux dun pays à lautre.
La ZLEA se fonde sur des disparités salariales
de lordre de 1 à 50 et des lois qui gardent
les travailleurs en place pour maintenir ces énormes
écarts."
Parallèlement aux négociations
sur la ZLEA, les États-Unis ont déréglementé
leurs marchés financiers en 1999. Les banques,
les compagnies dassurances, les firmes de courtages
et les cabinets comptables, sont en pleine intégration,
un processus doù émergent des géants
financiers. Le Canada songe à adopter des mesures
semblables pour être de taille à compétitionner.
"En fait, cela mène à une dollarisation
de facto du Canada. Déjà, on publie ses
états financiers en dollars américains."
Et les clauses qui protègent lenvironnement
et la démocratie? Lenvironnement sera protégé
tant quil ne nuira pas à linvestissement.
Quant à la démocratie, elle sera préservée
dans la mesure où lÉtat aura encore
quelque pouvoir: "quest-ce quun pays
sans frontières, sans contrôle sur sa monnaie
et sans contrôle sur ses institutions? Cest
un pays qui nexiste presque plus, qui est en voie
dêtre détruit."