Santé: attaquer les problèmes
à la source
(ASP) - Dun côté, la
malaria : maladie infectieuse transportée
par les moustiques. De lautre, la maladie de Minamata,
liée à la consommation de poissons contaminés
au mercure. Ces deux problèmes apparemment très
éloignés sont pourtant réunis par
un dénominateur commun : lactivité
humaine et son impact sur l'environnement.
" Le lien entre la malaria et
les cultures irriguées dans les régions
tropicales est assez probant pour quil soit logique
de sattaquer au problème à la source ",
affirme le directeur dune équipe de recherches
au Kenya, Clifford Mutero, lors du Forum international
sur les approches Écosystèmes et santé
humaine (voir autre article). Lirrigation des rizières
contribue en effet à la prolifération des
moustiques. Et s'il y a plus de moustiques, il y a plus
de malaria. " Il faut absolument améliorer
la gestion des ressources en eau en réduisant le
temps de submersion des rizières ou en alternant
avec le soja par exemple, qui se prête à
la culture sèche ", propose Clifford
Mutero.
Le bétail pourrait être de
plus utilisé comme un appât puisque les recherches
révèlent que certaines espèces de
moustiques vecteurs de malaria préfèrent
le sang des bovins à celui des humains.
Dans la même perspective, léquipe
de Donna Mergler, directrice de linstitut des sciences
de lenvironnement à lUQAM, a montré
que la contamination de lAmazone au Brésil,
qui a entraîné une vague de cas de la maladie
de Minamata, était due aux déforestations
massives, et non aux exploitations aurifères locales
qui étaient blâmées jusqualors.
En brûlant les arbres, les agriculteurs exposent
en effet le mercure naturellement présent dans
le sol de la forêt tropicale. Aux premières
pluies, le métal ruisselle, court dans les rivières
et contamine la faune aquatique.
" Le problème nest
pas différent au Canada où la déforestation
est également très importante, mais les
habitants des villages brésiliens mangent ces poissons
contaminés de façon beaucoup plus fréquente "
explique Marc Lucotte, un des collaborateurs de D. Mergler.
Or, cest cette consommation chronique de mercure
qui cause des problèmes de santé. Protégeons
l'environement, et nous protégerons la santé
humaine, dit-il en substance.
Il faut donc prendre en compte tous ces
facteurs si on veut espérer mettre en place des
solutions à long terme. Y compris l'éducation
des populations locales. Dans un premier temps, les chercheurs
ont par exemple distribué des petites fiches dinformations
que les gens mettaient dans leur cuisine : en vert, les
poissons herbivores faiblement contaminés, en rose
les poissons carnivores quil fallait éviter
de consommer. "En cinq ans, nous avons réussi à
faire changer les pratiques alimentaires des villageois:
l'exposition au mercure a diminué de 40% dans les
régions étudiées", s'exclame Marc
Lucotte.
À plus long terme toutefois, seuls
le reboisement et la modification des pratiques culturales
pourront véritablement régler le problème
de lérosion des sols.
Cette vision globale, qui mêle environnement
et santé, permet de changer la conception des problèmes
de santé publique dans les pays du Sud et de proposer
des solutions plus durables. Reste à convaincre
les décideurs politiques de lintérêt
de cette démarche afin de généraliser
ces expériences locales mises en place par une
poignée d'équipes de recherche.
Mélina Darcam