Lorsque la vie use
(ASP) - À 81 ans, M Roméo
sirrite facilement. Il se met même à
sacrer lorsque linfirmière lui demande daccomplir
quelque chose quil ne veut pas. Que faire pour quil
change de comportement? "Le personnel soignant se
sent le plus souvent démuni face aux troubles de
santé mentale des aînés. Une intervention
mal adaptée découle le plus souvent dune
mauvaise compréhension du problème",
résume Léonie Jean.
Cette étudiante à la maîtrise
en psychologie à l'Université Laval a contribué
à un questionnaire sur la santé mentale
des aînés, destiné au personnel soignant
de trois centres hospitaliers de séjour longue
durée (CHSLD) de Québec. Les résultats
de ce questionnaire étaient dévoilés
lors du colloque sur la Santé mentale et le
vieillissement du 71e congrès
de lAssociation francophone pour le savoir (Acfas).
Ils sont 240 infirmiers, auxiliaires et
préposés aux bénéficiaires
dont seulement 32 hommes à avoir ainsi
pu évaluer leurs connaissances sur la dépression,
la désorientation, lagitation ou encore lanxiété
chronique. Sous la supervision du professeur Philippe
Landreville, Léonie Jean a adapté en français
un outil employé avec beaucoup de succès
dans les centres anglophones, le QSISM.
Les résultats montrent que les infirmières
s'en sortent mieux (15 bonnes questions sur 20) que les
auxiliaires (13,8) ou les préposés (13,1).
"Plus le poste et le niveau de scolarité sont
élevés, meilleur est le résultat;
plus que les années dexpérience",
souligne Léonie Jean.
Organisé par lAssociation québécoise
de gérontologie, ce colloque rapportait différentes
études sur la santé psychologique des personnes
âgées: anxiété et dépression,
lâgisme et les soins et même la peur
du crime et la détresse psychologique. "Alors
qu'ils connaissent moins d'agressions, les aînés
s'avèrent plus nombreux à les craindre"
relève Marie Beaulieu responsable de la maîtrise
en gérontologie de luniversité de
Sherbrooke. Certains aînés transforment même
leur maison en forteresse. Cette peur est le plus souvent
liée à une profonde détresse psychologique.
Multiplication des événements
stressants, changements familiaux, pertes de rôles
sociaux
Quelle qu'en soit la raison, les femmes
y seraient plus sujettes que les hommes. "Le soutien
social a un effet protecteur. Sa diminution avec l'âge
occasionne un stress qu'on a encore bien du mal à
évaluer" dit le chercheur Michel Préville
du centre de recherche Fernand-Seguin de l'Hôpital
Louis-H. Lafontaine.
"Il y a des liens évident entre
l'anxiété et la dépression"
soutient sa collègue Sabine Rousseau. Troubles
distincts ou deux pôles d'un même spectre
? Les experts ont bien du mal à trancher mais il
apparaît que l'anxiété augmente le
risque de développer des troubles dépressifs.
Parmi tous les indices répertoriés, on relève
les problèmes de sommeil.
Du repli sur soi aux comportements violents,
voire suicidaires, les troubles mentaux s'avèrent
parfois bien difficiles à cerner par un personnel
médical peu formé. "Il sous-estime
les liens entre la dégradation de la santé
physique et celle de la santé mentale", soutient
Sylvie Lauzon, de l'École d'infirmières
de luniversité dOttawa.
Cette équipe de recherche a évalué
durant deux ans et demi des patients âgés
de 15 cliniques externes avec de nombreux effets: réduction
des signes de symptômes psychiatriques, baisse du
stress, amélioration des performances cardio-vasculaires,
plus de goût de vivre, etc.
Sylvie Lauzon constate une administration
abusive d'anxiolytiques chez les patients âgés.
"Chez les plus de 65 ans, il y a deux fois plus de
prescriptions alors qu'il n'existe pas de lien physique",
s'écrie-t-elle dénonçant à
la fois le manque de formation du personnel soignant et
la persévérance des stéréotypes
et des préjugés de l'âgisme. "Alors
qu'une grande partie de la population prend de l'âge,
il est temps d'avoir une vision plus réaliste du
vieillissement. "
Les troubles mentaux découlent souvent
des bouleversements propres au 3e
âge: solitude, retraite, veuvage, perte dautonomie
ou de revenu, etc. Mais lorsqu'on les interroge sur le
sujet, les aînés ont souvent tendance à
minimiser leurs problèmes psychologiques.
Isabelle Burgun