Où il y a des gènes,
il y a du plaisir
(ASP) - Un nouvel espoir apparaît
dans la lutte contre le cancer. Les recherches dirigées
par le Dr John White, physiologiste à l'Université
McGill, ont montré que la vitamine D3 et surtout
l'EB1089, sa version synthétique conçue
dans les laboratoires de la compagnie danoise Leo Pharmaceuticals,
bloquent la prolifération des cellules cancéreuses.
Chacune de nos cellules possède un
programme de fonctionnement différent, dont le
code est enfermé dans les gènes. Or le cancer
est une maladie dont les causes sont en partie génétiques.
Lorsque des gènes se dérèglent, les
cellules associées sont perturbées. C'est
alors que peut se développer une tumeur: une multiplication
désordonnée, voire incontrôlée,
des cellules. De plus, le régime alimentaire, le
tabac, l'environnement, peuvent aussi favoriser le développement
de cette tumeur.
Il existe des mécanismes naturels
pour corriger ces troubles, mais il arrive qu'ils ne parviennent
plus à réparer les dommages causés
à l'ADN. De plus, les cellules malades se divisent,
et donc se propagent, plus vite que les cellules normales.
C'est là qu'intervient la vitamine
D3, issue des rayonnements ultraviolets. La vitamine D3
n'en est pas vraiment une, car elle n'est pas indispensable
au régime alimentaire, lorsque nous avons suffisamment
de soleil. On savait déjà qu'elle pouvait
freiner la croissance des cellules cancéreuses.
Mais pour qu'elle soit efficace, il en faut beaucoup.
Or, une concentration élevée de cette vitamine
entraîne une augmentation dangereuse du taux de
calcium dans le sang, l'hypercalcémie. Selon la
recherche dont il est question ici, parue dans le Journal
of the National Cancer Institute, avec l'analogue
EB1089, il n'y a plus cet effet secondaire néfaste.
Anti-cancéreuse à basse concentration, cette
substance entraîne une diminution de croissance
des cellules cancéreuses pouvant aller jusqu'à
80%, et ce, sans risque d'hypercalcémie. Il y a
un hic: cette interruption de croissance pourrait, en
théorie, toucher des cellules saines. "Il n'y a
actuellement aucun indice allant en ce sens, mais c'est
toujours possible", admet le Dr. White.
La découverte la plus intéressante,
pour lui, est toutefois celle du GADD45 [Growth
Arrest and DNA Damage]. Il s'agit là d'une protéine
qui, lorsqu'elle est "stimulée" par la vitamine
D3, permet de stimuler la réparation des mutations
de l'ADN, évitant ainsi les risques de tumeurs.
Autrement dit, la lumière du soleil,
source de la vitamine D3, encouragerait les mécanismes
de réparation de l'ADN -et limiterait les risques
de cancer. Or, n'a-t-on pas toujours prétendu que
les UV favorisaient le cancer de la peau? Pour être
exact, c'est la surdose d'UV qui a cet effet nocif. Mais
la dose d'UV nécessaire pour induire une production
de D3, elle, n'est pas dangereuse. En été,
elle correspondrait à une exposition du visage
et des bras de quelques minutes par jour. De plus, la
D3 peut "réparer" des défauts engendrés
par ces UV
La boucle est bouclée !
La prochaine étape est le test clinique.
L'EB1089 va être essayé sur des malades atteints
d'un cancer des voies orales très avancé
("ils n'ont aucune espérance de survie", déclare,
impassible, le Dr White). Mais le chercheur croit surtout
à l'aspect préventif de sa découverte.
En administrant l'EB1089 aux personnes susceptibles de
développer un cancer (antécédents
familiaux, prédispositions génétiques...),
le risque de tumeur en serait réduit.
C'est d'ici un an que se mettra en route
cette étude clinique. Dans cinq ans, les chercheurs
sauront si le traitement est efficace. La chimioprévention
demandera de 10 à 15 ans pour observer le développement
ou non d'un cancer par rapport à un groupe contrôle.
La mise sur le marché d'un traitement n'est donc
pas pour demain...
Enfin, il ne faut pas oublier que les gènes
ne sont pas seuls coupables. On sait que le stress et
la fatigue peuvent affaiblir le système immunitaire
et favoriser la progression de maux. Par ailleurs, qui
sait l'impact que peut avoir sur un patient un médecin
qui lui annonce: "Vous allez mourir !" Toute la lumière
sur le redouté crabe est loin d'être faite
Cécile
Graillet