Les arbres qui suffoquent
(ASP) - Il y a, d'un côté,
l'espoir de certains écologistes: que les arbres
puissent servir d'aspirateurs à pollution. Autrement
dit, plus on en plante, plus le dioxyde de carbone est
absorbé par eux, et ainsi, moins la région
est polluée. Et il y a, de l'autre côté,
la réalité: certains polluants limitent
carrément la capacité des arbres à
servir d'aspirateurs, de sorte que ce bel espoir pourrait
tomber en morceaux.
La géologue Martine Savard et ses
collègues de la Commission géologique canadienne
ont en effet jeté une douche d'eau froide sur les
partisans des "puits à carbone" -les arbres- lorsqu'ils
ont publié il y a quelques semaines, dans la revue
américaine Geology, une analyse des ronds
des arbres situés à proximité d'une
fonderie. Plus spécifiquement, les épinettes
noires de l'Abitibi, à proximité de la fonderie
Horne, de Rouyn-Noranda, là où on transforme
le cuivre.
Leur découverte: plus les arbres
sont près de la fonderie, et plus la proportion,
chez eux, de carbone-13, est élevée, par
rapport au carbone-12. Qu'est-ce que cela signifie?
Il faut d'abord savoir que les arbres, bien
qu'ils absorbent -comme toutes les plantes- du dioxyde
de carbone (CO2), n'absorbent pas n'importe quel dioxyde
de carbone: ils choisissent prioritairement la "version
12" -appelée communément, le carbone-12.
Ce n'est que dans le cas où les feuilles sont incapables
d'absorber suffisamment de CO2, que les arbres se tournent
vers le carbone-13, plus rare.
Or, que certains arbres, à proximité
d'une fonderie, absorbent davantage de carbone-13 que
prévu, suggère qu'ils ont du mal à
absorber suffisamment de CO2. Et la fonderie, qui émet
beaucoup de dioxyde de soufre, doit jouer un rôle
là-dedans, bien qu'on ne soit pas trop sûr
lequel.
Sans doute que le dioxyde de soufre, pénétrant
lui aussi dans les feuilles de l'arbre, amène celles-ci
à refermer leurs pores, les empêchant du
coup d'absorber trop de CO2. Au grand dam des écologistes,
et surtout, des politiciens, qui aimeraient bien qu'on
leur permette de ne pas trop réduire leurs émissions
polluantes, en échange de quelques arbres plantés
de plus.