Hêtre et bouleau jaune: espèces
en voie de disparition
(ASP) - La forêt mature du sud du
Québec n'est plus ce qu'elle était avant
l'arrivée des premiers colons. Il a suffi de 20
ans (entre 1820 et 1840) pour éliminer des populations
de hêtres et de bouleaux jaunes dans plusieurs forêts
de la région du Haut-Saint-Laurent.
C'est le triste constat d'une étude
menée par deux botanistes de l'Université
de Montréal, Jacques Brisson et André Bouchard,
qui doit bientôt paraître dans la revue Écoscience
.
Le but de cette étude était
donc de reconstituer la forêt précoloniale
dans la municipalité de Huntingdon grâce
aux actes notariés sur les ventes de lots de bois.
C'est en comparant la composition des forêts sur
les actes de vente avec celle d'aujourd'hui, qu'ils en
ont déduit une très forte diminution de
hêtres et de bouleaux jaunes dans le Haut-Saint-Laurent.
Sur les 500 000 actes répertoriés, les deux
botanistes en ont retenu 119 qui identifiaient le nom
du vendeur avec le terrain. Mais comme un même terrain
pouvait être vendu plusieurs fois par le même
vendeur, les chercheurs n'ont retrouvé que 60 lots
de forêt qui dataient du début du 19e
siècle.
Le professeur Jacques Brisson s'est donc
interrogé sur les facteurs qui peuvent expliquer
pourquoi une forêt coupée ne repousse plus.
L'intervention humaine directe sur l'environnement, comme
la déforestation, a été
très intense entre 1820 et 1840 puisqu'elle correspond
à une période de forte colonisation. En
outre, Brisson a identifié deux déterminants
inusités : le ver de terre et la tourte (l'oiseau).
La présence des premiers vers de terre apportés
par les colons pourrait, en principe, justifier la dégradation
accélérée du sol et la disparition
de certains arbres. Ensuite, l'extinction de la tourte
(qui se nourrissait des graines de hêtres) en raison
de la chasse intensive a elle aussi pu transformer indirectement
l'écosystème dans le Haut-Saint-Laurent.
Même si les hêtres ont presque
entièrement disparu de la vallée du Saint-Laurent,
on peut encore admirer quelques spécimens âgés
de... 250 ans et plus dans la forêt des Muir. Cette
forêt, découverte par Brisson au cours de
ses études de maîtrise, est à la fois
une réserve écologique protégée
et un laboratoire à ciel ouvert pour l'Université
de Montréal.
Laurent Couquiaud