Joueurs et cocaïnomanes, même
cerveau
(ASP) - Lactivité qui se produit
dans le cerveau dun joueur pendant un jeu de hasard
est similaire à celle qui se produit dans le cerveau
dun... cocaïnomane. Une conclusion qui pourrait
aider les scientifiques à mieux comprendre certains
troubles compulsifs, aussi bien ceux causés par
le jeu que par labus de drogue.
Cest ce qui ressort dune étude
menée par Peter Shizgal, directeur du Centre détudes
en neurobiologie comportementale de lUniversité
Concordia, Hans Breiter, Itzhak Aharon and Anders Dale,
de lHôpital général du Massachusetts
et le psychologue Daniel Kahneman de lUniversité
Princeton. Lobjectif de leur recherche était
de vérifier comment les différentes parties
du cerveau humain répondent à lanticipation
de gagner.
Au cours de cette expérience, qui
était menée par lHôpital général
du Massachusetts, et qui simulait un jeu du genre "machine
à sous", 12 volontaires ont reçu chacun
un montant de 50$. Ils devaient ensuite regarder tourner
une séquence divisée en trois secteurs et
comportant des valeurs monétaires différentes.
Les "cobayes" devaient surveiller une flèche
qui, lorsquelle sarrêtait sur lun
de ces secteurs, affichait un gain ou une perte. Ils devaient
alors exprimer ce quils ressentaient lorsquils
perdaient une partie de leur mise, la conservaient ou
laugmentaient. Pendant tout ce temps, leur activité
cérébrale était mesurée.
Or, ces mesures savèrent similaires
à celles dune expérience antérieure
faite sur des cocaïnomanes et menée par Hans
Breiter. Lexpérience visait alors à
comprendre les changements produits dans lactivité
cérébrale par la sensation deuphorie
qui pousse lindividu à consommer davantage
de drogue.
Théories du passé et défi du futur
M. Shizgal explique que cette expérience
sur lanticipation de gagner sinspire dune
théorie sur la prise de décision développée
entre autres par Barbara Mellors dans les années
1990. Essentiellement, elle dit quune transformation
seffectue lorsquun individu est confronté
à des gains et des pertes. "Par exemple, un
individu sera déçu lorsquil reçoit
une augmentation de salaire de 20% de moins que ce quil
attendait. En revanche, dans un contexte économique
difficile où lon doit couper des postes,
si on annonce à cette personne que son salaire
ne pourra pas être augmenté mais quelle
conserve son emploi, la personne aura une réaction
positive. Des réactions de ce genre se sont produites
au cours de notre expérience. Le contexte et les
attentes apparaissent donc comme des éléments
importants."
La théorie de Mme Mellors dit aussi
que lanticipation et lévaluation ne
sont pas régies par des mécanismes séparés,
mais bien par des mécanismes communs. "Cest
intéressant de chercher à comprendre pourquoi
des stimuli artificiels comme largent ont une telle
puissance. Pour certains individus, largent peut
même devenir comme une drogue. Mais peut-être
nest-ce pas vraiment largent, mais plutôt
le sentiment de gagner" mentionne M. Shizgal.
Le défi des expériences futures
sera, selon lui, dessayer de comprendre quel est
le circuit responsable pour chacune des réactions.
"Jaimerais aussi pouvoir faire des expériences
à lintérieur desquelles lindividu
devra prendre des décisions. Il serait intéressant
de pouvoir vérifier si un changement dactivité
dans une région nous prévient de ce que
va faire le sujet."
Jacqueline
Bousquet