Les crosses de violon donnent le
rythme
(ASP) - Le requiem pour crosses de violon
dans une assiette chic pourrait un jour cesser de jouer.
Leur popularité devient telle que la population
est menacée.
Les crosses de violon sont de jeunes frondes
(feuilles) encore recroquevillées de la fougère-à-l'autruche,
dont la forme rappelle l'extrémité d'un
manche de violon. Cette fougère produit annuellement
entre 4 et 8 frondes, disposées en couronne. La
saison de la cueillette des frondes est très courte
: seulement 7 à10 jours, au mois de mai. Mais la
croissance des cueillettes commerciales et privées
des têtes de violon est un problème: avec
déjà plus de 70 000 kg de fougères
fraîches englouties chaque printemps au Québec,
ces fougères sauvages risquent de ne plus suffire
à la demande.
À cet effet, le professeur en biologie
Line Lapointe et l'étudiant-chercheur Michel E.
Bergeron, de l'Université Laval à Québec,
viennent de conclure, au terme d'une étude de cinq
ans, que tout prélèvement dépassant
plus de la moitié des frondes (feuilles) d'une
même fougère a un impact sur la survie de
la plante. Pour tester l'impact de l'intensité
de la cueillette des crosses de violon sur la survie des
fougères, les chercheurs ont commencé à
en cueillir dès 1995, et ont effectué un
suivi pendant les cinq années suivantes. Ils ont
ainsi pu constater que les frondes ne se déroulent
que tous les quatre ans, et qu'elles ne se déroulent
pas toutes en même temps. Les cueilleurs ne peuvent
donc plus se fier à la quantité visible
de nouvelles frondes puisque l'impact n'est visible que
quatre ans plus tard!
Face à l'augmentation de la demande
de crosses de violon, Line Lapointe a essayé d'en
cultiver sur un site de la région de Nicolet. Bien
qu'elle supporte la transplantation, la fougère-à-l'autruche
tolère moins bien les mauvaises herbes et les baisses
d'irrigation et de vent. Les exigences climatiques et
les coûts d'entretien des cultures de crosses de
violon amènent donc les cueilleurs à se
discipliner et à contrôler davantage leurs
cueillettes en milieu naturel. Line Lapointe rappelle
donc que l'autodiscipline des cueilleurs (qui consiste
à prélever entre le tiers et la moitié
des frondes de chaque plante) demeure le moyen le plus
rentable d'assurer la pérennité de cette
ressource. Il reste à espérer que son appel
à la modération soit entendu aussi bien
des amateurs du terroir que des scientifiques.
Laurent Couquiaud