Vers une économie "verte"
(ASP) - L'économie, discipline que
l'on dit froide, évidemment calculatrice, vouée
à l'efficacité, est-elle compatible avec
cette autre discipline qu'est l'environnement? Voici une
question qui pourrait animer bien des discussions entre
économistes et écologistes convaincus. Lester
R. Brown participe au débat à sa façon.
Il propose un hybride: l'Eco-économie.
Et l'éco-économie, dit-il,
nécessiterait un changement de vision du monde
qu'il n'hésite pas à comparer à la
révolution de Copernic, lui qui démontra
que la Terre n'était pas le centre de l'univers.
Rien de moins!
Vendredi le 24 août, l'agronome américain
était à l'Université McGill, dans
le cadre de la 4e conférence bisannuelle de la
Société canadienne d'économie écologique.
Des centaines de personnes de tous âges se sont
pressées sur les bancs de l'université montréalaise
pour l'écouter.
C'est que cet invité de marque n'est
pas n'importe qui. Auteur de nombreux ouvrages de référence
sur le développement durable, il a fondé
en 1974 le Worldwatch Institute, un centre de recherche
voué à l'analyse des problèmes environnementaux.
On lui doit aussi, en mai dernier, la création
du Earth Policy Institute, qui a davantage une mission
d'information. Pour sa conférence à McGill,
il avait retenu le titre de son dernier livre: Eco-Economy:
Building an Economy for the Earth.
Changer notre vision du monde: M. Brown
a insisté sur cette idée, face aux rapports
conflictuels entre écologie et économie.
La raréfaction de l'eau, la fonte des calottes
glaciaires, la désertification, la disparition
d'espèces animales sont quelques-uns des signaux
d'alarme qui obligent à mettre fin à ces
rapports conflictuels. Qu'on pense au cas de la Chine:
le pays aux 1,3 milliard d'habitants commence à
manquer cruellement d'eau. Ses réserves naturelles
s'amenuisent tandis que sa consommation urbaine et industrielle
augmente. Résultat: les cultures céréalières
sont de moins en moins bien irriguées, donc de
moins en moins abondantes; la Chine devient ainsi un énorme
importateur de céréales; ce qui pourrait
à terme faire flamber le prix des aliments dans
le reste du monde. Bref, voilà le type de situation
qui nécessite de toute urgence un dialogue soutenu
entre environnement et économie
Pour lutter contre la destruction progressive
de la planète, l'éco-économiste américain
a quelques armes à proposer. "Il existe plusieurs
sources d'énergies écologiques très
prometteuses", a-t-il déclaré en s'enthousiasmant
pour l'énergie éolienne, l'hydrogène
ou les piles solaires. "Nous avons fait beaucoup
de progrès ces dernières années.
La génération éolienne, par exemple,
a été multipliée par quatre dans
le monde et un parc éolien de 3000 MW est en projet
dans le Dakota". Autre arme, moins populaire mais pour
M. Brown essentielle: la restructuration fiscale. "Il
faut incorporer les coûts écologiques dans
les coûts du marché. Il est nécessaire,
par exemple, d'imposer des taxes sur les émissions
de carbone pour refléter les coûts du changement
climatique." Enfin, les étiquettes écologiques,
qui "permettent aux gens de voter avec leur porte-monnaie".
Seules des personnes convaincues de la nécessité
du changement pourront faire bouger les choses. Pour M.
Brown, la sensibilisation passe donc d'abord par l'information
du public. Il faut des indicateurs environnementaux réguliers
et non des bribes confuses d'informations comme c'est
actuellement le cas. Participer à cette "veille
écologique" est l'une des missions que s'est fixé
le Earth Policy Institute. Le combat sera de longue haleine.
Anne-Camille
Bouillié