Cartographier l'énergie solaire
(ASP) - Et si lensoleillement pouvait
aider à prédire les feux de forêts?
En effet, il existe une coïncidence étonnante
entre le taux d'ensoleillement -donc le potentiel dassèchement-
et les zones où, tôt au printemps, on observe
les premiers feux. Du moins, en forêt boréale. Cest
ce qui a donné l'idée de dresser une "carte
de la ressource solaire" au Québec.
Lensoleillement était auparavant
mesuré à laide de stations au sol:
des petites boîtes carrées, qui contiennent
des capteurs de 4 cm2. On en compte
une quinzaine au Québec, 52 au Canada. "Cest
trop peu pour un si vaste territoire ", commente
Raymond Bégin, du Laboratoire de télédétection
de lUniversité du Québec à
Chicoutimi (UQAC). Aussi, les physiciens et géographes
de lUQAC viennent dexpérimenter une
nouvelle méthode, mise au point par des chercheurs
de lUniversité de New York à Albany.
Adaptée aux latitudes du Québec, la technique
sappliquera bientôt à lensemble
de lAmérique du Nord. Le modèle utilise
les images satellites, en l'occurrence celles que renvoie
le GOES (Geostationary Operational Environmental Satellite).
Le soleil émet le même flux
de radiation toute lannée. Le rayonnement
qui parvient au sol dépend évidemment de
la position de la terre par rapport au soleil, mais aussi
de différents phénomènes atmosphériques.
La présence de nuages, la pollution industrielle
ou les particules en suspension dans lair, influencent
le flux solaire reçu au sol. " Pour évaluer
la ressource solaire, il faut donc considérer lensemble
des facteurs qui absorbent les rayons du soleil, ce qui
revient à calculer la limpidité atmosphérique ",
explique Raymond Bégin.
Au cours des années 1998, 1999 et
2000, le satellite a enregistré une image par heure
à raison de 16 images par jour, pendant 365 jours.
Ce sont donc 15 000 images à digérer et
à traiter. Inutile de mentionner que de telles
opérations seraient impossibles sans la puissance
informatique daujourdhui. Le résultat :
une douzaine de cartes dune résolution de
10 km qui représentent lensoleillement moyen
pour chaque mois de lannée. Une première
au Canada. " De plus, la corrélation
avec les valeurs observées dans les stations au
sol est excellente. À un point tel quau cours
de lexpérimentation, nous avons détecté
quune des stations navait pas enregistré
une journée entière de données! "
Le groupe de lUQAC possède
aussi une station de réception des images du satellite
NOAA, un satellite de type polaire muni dun capteur
AVHRR (Advanced Very High Resolution Radiometer). Celui-ci,
tournant à 800 km d'altitude, permet de valider
les données du satellite GOES.
Pourquoi mesurer le rayonnement solaire?
Bien sûr, en tout premier lieu, en vue dinstaller
des panneaux photovoltaïques, capables de transformer
la lumière solaire en électricité.
En Nouvelle-Angleterre, on songe déjà à
coupler les compteurs électriques avec des panneaux
solaires, comme solution aux coûts exorbitants de
lélectricité.
Mais il pourrait y avoir d'autres retombées.
Le Laboratoire de télédétection collabore
étroitement avec le consortium de recherche sur
la forêt boréale commerciale de lUQAC.
Les informations sur le rayonnement solaire pourraient
être fort utiles non seulement pour connaître
la récurrence des feux, mais pour la gestion globale
des forêts. Lagriculture aussi pourrait en
profiter: la cartographie de la ressource solaire a permis
didentifier un microclimat distinct dans la région
de Saint-Prime, au Lac Saint-Jean. Si cette zone agricole
est particulièrement fertile, ce nest pas
uniquement à cause du sol, mais parce quelle
reçoit plus densoleillement que le nord de
la région. " Ces informations pourraient
éventuellement aider les agriculteurs à
choisir des cultures idéales pour un certain type
densoleillement ", suggère Raymond
Bégin.
Cet automne, une antenne de réception
du satellite GOES sera posée sur le toit de lUQAC
et une deuxième devrait suivre sous peu. Un important
projet de collaboration internationale Canada-États-Unis
est en branle. "LÉvaluation de la ressource
solaire en ligne" (Online Satellite-Based Solar Resource
Project), vise à produire des cartes courantes
et historiques de l'énergie solaire, des compilations
de l'énergie reçue, ainsi que des prédictions
de l'énergie à recevoir, valables pour tout
le Québec. Les données de ce nouveau centre
darchives de la ressource solaire devraient être
disponibles en temps réel sur le site Internet
du Ministère des Ressources naturelles.
Emmanuelle
Bergeron