D'une langue à l'autre
(ASP) - Pour apprendre une nouvelle langue,
tout se joue pendant les premières années.
Des chercheurs de l'université McGill viennent
en effet de faire une découverte: si on est très
tôt confronté à un langage (parlé
ou en signes), on aura ensuite, pendant toute notre vie,
une bonne aptitude à apprendre d'autres langues.
Rachel Mayberry, directrice des sciences
de la communication humaine de McGill, Elisabeth Lock,
de l'université d'Ottawa et Hena Kazmi, de l'université
de Western Ontario, ont réalisé cette étude
avec des groupes d'adultes sourds et entendants.
De précédentes études
ont montré que, si on apprend une langue très
tôt, on la maîtrise mieux -que ce soit une
première ou une deuxième langue. Jusqu'à
présent, beaucoup de scientifiques croyaient que
la capacité d'apprentissage des langues déclinait
à mesure que le cerveau vieillissait. Cette nouvelle
étude montre au contraire que le cerveau, au cours
des premières années, acquiert une capacité
d'apprentissage permanente des langues. En revanche, si
le jeune enfant est privé d'un environnement linguistique,
en d'autres termes, si on ne stimule pas cette capacité,
elle ne se développera pas entièrement.
La clef de cette découverte a été
d'étudier des groupes d'adultes sourds, parce que
les gens qui sont nés sourds sont totalement isolés
de toute expérience linguistique pendant leur plus
jeune âge. En effet, ces personnes n'apprennent
généralement le langage des signes que lorsqu'ils
entrent à l'école.
Le premier volet de l'étude s'est
donc fait en American Sign Language (ASL) avec des adultes
sourds ayant tous appris l'ASL à l'école
entre 9 et 15 ans. Les adultes ayant perdu l'ouïe
après la naissance maîtrisaient bien le langage
des signes. Les adultes nés sourds en revanche,
qui ont donc eu une expérience linguistique plus
limitée dans leur enfance, avaient un faible niveau
de maîtrise de l'ASL.
Par la suite, les chercheurs ont comparé
trois groupes d'adultes ayant appris l'anglais à
l'école entre les âges de 4 et 13 ans et
l'ayant employé pendant plus de 12 ans. Les résultats
étaient semblables : les adultes ayant appris une
langue (peu importe sa nature) pendant leur jeune enfance
avaient une bonne performance en anglais langue seconde.
Les chercheurs veulent maintenant comprendre
de quelle manière ces premières expériences
linguistiques affectent à ce point le développement
du cerveau.
Emilie Blanchet