Asphyxier les espèces exotiques
(ASP) - Les eaux de ballast des navires
représentent un des principaux moyens par lequel
les espèces exotiques envahissent un nouveau milieu
-comme la moule zébrée l'a fait au cours
des années 90, dans l'Est du Canada. Des chercheurs
dEnvironnement Canada proposent donc une nouvelle
manière de traiter ces eaux, à l'intérieur
même du bateau.
Il faut se rappeler que l'eau de ballast
est utilisée pour lester les navires, leur donnant
de la stabilité. Cette eau est généralement
pompée à lintérieur des cales
au moment des transbordements et elle contient donc une
grande variété dorganismes vivants,
que le navire emporte avec lui, avant de les relâcher
à proximité d'un autre port, parfois à
l'autre bout de la planète.
Yves de la Fontaine, chercheur au Centre
St-Laurent, à Montréal, propose donc une
nouvelle approche: tuer la majorité de ces organismes
vivants à lintérieur des ballasts,
en les asphyxiant. Et ce, au moyen d'une approche biologique:
les levures. Ces organismes microscopiques, ajoutés
à leau, utilisent loxygène dissout
dans leau, ce qui en laisse très peu pour
les autres organismes. La plupart meurent rapidement,
mais le traitement doit être soutenu pour des organismes,
comme les moules zébrées, qui arrivent à
survivre 24 heures à de telles conditions. Ce " bioréacteur "
arrête de lui-même sa croissance dès
que les teneurs en oxygène sont à peu près
nulles.
Quelques organismes survivent tout de même
à ce traitement de choc, dont certaines algues
et bactéries. Ces dernières représentent
linconvénient majeur du système: en
absence doxygène, elles utilisent le souffre,
produisant des gaz nauséabonds (une odeur d'ufs
pourris), mais non toxiques, quil faut savoir éliminer...
ou gérer avec soin!
Lavantage pour la marine marchande
? Contrairement aux autres pratiques (la filtration ou
le traitement par ultraviolets des eaux de ballast, le
changement des ballasts en haute mer), linvestissement
peut allonger la vie du bateau. En effet, la rouille est
un processus dû à l'oxygène. Si on
enlève loxygène, la rouille se développe
moins vite!
Selon Yves de la fontaine, 2 kilos de levures
sèches seraient suffisantes pour traiter 10 tonnes
deau (douce ou salée), sans aménagement
majeur sur les bateaux.
En plus de cette approche biologique, une
approche chimique, utilisant aussi le principe de lasphyxie,
serait également expérimentée par
dautres laboratoires. Yves de la Fontaine estime
que le premier système qui aura fait ses preuves
saccaparera rapidement une bonne part du marché,
surtout dans un contexte où des ententes internationales
sont sur le point dêtre signées pour
tenter de maîtriser ce problème de plus en
plus lancinant que sont les espèces exotiques.
Lentreprise Polygo inc. de Longueuil est associée
au travaux sur les levures.
La provenance des espèces exotiques
Si les eaux de ballast représentent
la source principale (50-60%) dintroduction despèces
exotiques, il semble, selon Yves de la Fontaine, qu'on
assiste à un glissement: " on saperçoit
par exemple que les jardins deau des horticulteurs
amateurs sont une source de flores exotiques de plus en
plus nuisibles dans nos cours deau. "
Il en est de même pour la pêche sportive.
Les amateurs transportent avec eux les appâts (écrevisses,
ménés), introduisant du coup plusieurs organismes
étrangers dans les cours deau. Ces exemples
expliquent au passage les efforts entrepris par la marine
marchande pour relayer le problèmes des espèces
envahissantes aux gouvernements : elle nest
pas la seule concernée et elle ne veut pas être
la seule à en faire les frais
Informations supplémentaires :
www
.aquatic-invasive-species-conference.org
François D'Allaire