Combien peut-on faire tenir de blanchons
sur une banquise?
(ASP) - Les naissances de phoques du Groenland,
près des côtes du golfe Saint-Laurent et
du Labrador, sont plus nombreuses qu'en 1990 et 1994 et
seraient considérées comme encore plus nombreuses
si la même méthode de calcul était
utilisée quavant 1999.
Cest ce qua montré le
dernier décompte réalisé en 1999,
une vaste opération dont un article, paru en 2003
dans la revue Marine Mammal Science, relate la
complexité en même temps que les progrès
méthodologiques.
Dénombrer les naissances de phoques
n'est en effet pas aussi facile qu'on le croirait. Vers
le mois de mars, des phoques du Groenland femelles doivent
monter sur la banquise pour mettre bas. Cest durant
cette brève saison dun mois que les biologistes
peuvent estimer le nombre annuel de rejetons et la taille
prochaine du troupeau.
Si les biologistes se contentent d'estimer,
c'est parce qu'un vrai recensement est impossible: la
" pouponnière " est immense, les glaces
dérivent, les blanchons sevrés retournent
à la mer, et des naissances peuvent survenir tardivement.
Le truc pour les scientifiques consiste
à repérer les endroits où des agglomérations
de phoques se sont formées. Des séries de
photos sont alors prises au hasard à partir davions
survolant rapidement, à basse altitude. Sur les
photos les spécialistes comptent ensuite les rejetons
un par un, en tentent alors d'en extrapoler le total.
Mais outre qu'il y a forcément des
erreurs humaines dans la lecture de milliers de photos,
les rejetons ne sont pas tous nés ou aux côtés
de leur mère le jour de la photo. Pour estimer
cette proportion des rejetons invisibles sur la glace
à ce moment, les biologistes doivent sonder à
plusieurs reprises les agglomérations de phoques
dans l'espoir de mesurer à lil nu la
proportion des blanchons parvenus à chacun des
différents stades de croissance stades identifiables
notamment par le pelage jaunâtre, puis blanc, puis
gris, du jeune phoque.
Qui dit échantillons, sondages et
extrapolations, dit probabilité et statistique.
Aussi ne faut-il pas sétonner que cet article
de Marine Mammal Science puisse être signé
par les chercheurs Garry Stenson, Mike Hammill, Jean-François
Gosselin et Becky Sjare, de Pêches et Océans
Canada, mais aussi par un chercheur du département
de mathématique et de statistique de lUniversité
Laval, Louis-Paul Rivest.
Quil sagisse du dénombrement
dorignaux, de saumons ou de phoques, biologistes
et statisticiens font en effet bon ménage.
Et le travail narrête jamais
: la méthode destimation utilisée
en 1999 servira à mesurer la natalité des
phoques en 2004 et en 2005.
Pierre Croteau