Personne n'oublie une catastrophe,
surtout pas un enfant
(ASP) - Catastrophes naturelles, attentats,
violence familiale... On pourrait croire quun enfant
na pas parfaite conscience de limportance
dévénements traumatiques. Mais ce
serait une erreur. "Comme pour un adulte, tenter
de lui faire oublier et éviter de lui parler de
lévénement peut le marquer toute sa
vie", affirme le psychiatre français François
Ducrocq.
Le psychiatre, qui intervenait lors du premier
colloque provincial sur les conséquences des catastrophes
et des événements traumatiques, tenu à
Chicoutimi du 24 au 26 octobre, a mis en lumière
limportance du support psychosocial pour traverser
des situations marquantes.
En France, depuis la vague dattentats
dans le métro de Paris en juillet 1995, les cellules
durgence sur le terrain comprennent désormais
des psychiatres et des psychologues, en plus des médecins
et des ambulanciers. Au Québec comme aux États-Unis,
il en est de même. "Intervenir immédiatement
après un événement traumatisant,
évite souvent lapparition de séquelles,
affirme François Ducrocq. Dans le cas des enfants,
des soins rapides sont dautant plus importants que
lintervention des spécialistes sensibilise
lentourage -parents ou enseignants- aux signes annonciateurs
dun problème. En effet, les symptômes,
comme les troubles de conduite ou, chez les jeunes enfants,
le pipi au lit ou les cauchemars, se manifestent parfois
plusieurs jours, voire plusieurs mois, après un
événement catastrophique. Dans le cas des
adolescents, cest parfois un second traumatisme,
par exemple un accident de voiture, qui fera ressurgir
danciennes blessures psychologiques. Savoir reconnaître
ces signes permet de demander de laide le plus tôt
possible.
Lintervention auprès des enfants
est étonnamment très semblable à
celle des adultes. Cest de deux à dix jours
après lévénement marquant quon
utilise la méthode du "débriefing" :
elle consiste à verbaliser, cest-à-dire
à mettre en mots un fait vécu.
"Cest une phase essentielle de
la thérapie, non seulement pour évacuer
les faits traumatisants mais surtout pour "faire avec".
Essentielle, parce que des actes de violence, que ce soient
des attentats terroristes ou des abus sexuels, ne sont
jamais oubliés. Les victimes doivent se les approprier
et accepter quils fassent maintenant partie de leur
vie."
Bien quil ne soit pas toujours facile
de déceler un trauma chez lenfant, on dispose
de davantage de moyens que le simple récit pour
les faire parler. Le dessin et le jeu avec des personnages
sont des voies privilégiées. "Ce processus
permet de leur faire raconter les faits vécus,
mais surtout le plus essentiel : dexprimer
leurs émotions, comme la peur ou la culpabilité."
Ce nest que tout récemment
que les spécialistes se sont mis à étudier
les conséquences psychiques des traumatismes chez
lenfant. François Ducrocq insiste sur la
mise en place des premières phases de lintervention
psychologique. Les enfants chez qui un trauma est dépisté
à temps et qui reçoivent une aide adéquate
ont la capacité de se rétablir rapidement
et souvent, beaucoup mieux que les adultes.
Emmanuelle Bergeron