Festival Téléscience
2001
La Bosse des maths est partout
(ASP) - Ah, cette fameuse bosse des maths...
Réglons-lui dabord son compte une fois pour
toutes: il ny a pas de bosse. Une science du XIXe
siècle, appelée la phrénologie, prétendait
déterminer les aptitudes intellectuelles dune
personne en analysant la forme de son crâne: de
là cette croyance en une "bosse", puisque
la dite bosse, affirmait-on en toute logique, serait la
conséquence dune région du cerveau
qui se serait outrageusement développée
chez les génies des chiffres.
Donc, il ny a pas de bosse. Il y a
plutôt un creux. Au plus profond dun long
sillon traversant une zone de notre cerveau appelé
le lobe pariétal, réside en effet notre
talent pour les chiffres. Ou notre absence de talent.
Cest ce que révèlent de jolies images
informatiques en couleur tirées de savantes analyses
de ces zones de notre matière grise qui sactivent
et se désactivent quand des cobayes branchés
sur des myriades de fils se font bombarder de questions.
Mais il ny a pas que notre cerveau
qui ait ce creux. Les analyses des cerveaux de macaques
révèlent les mêmes zones. Elles sont
juste moins développées. Et ces macaques,
il faut les voir, devant la caméra du film franco-allemand
La Bosse des maths, sortir de leur bosquet et venir
piger systématiquement dans lassiette la
plus avantageuse: l'assiette A où, après
s'être assuré qu'ils observaient, on a mis
trois pommes (plutôt que deux dans l'assiette B),
et ce après avoir dissimulé les assiettes
derrière des écrans opaques.
Les singes sauraient donc compter? Bien
sûr quils le savent, nous assure ce chercheur
français de lINSERM qui, transformé
en narrateur, nous conduit de ces macaques portoricains
jusqu'à l'Université Columbia de New York,
où se trouvent certains de ces fameux singes capables
de converser et, dans ce cas-ci, de compter jusquà
neuf- par lintermédiaire dun écran
dordinateur. Et de là, un saut au Japon où,
à lécole primaire Tsukuba, on réussit
lexploit peu commun de rendre les maths intéressantes.
Parce quil y a bien plus quune
histoire de macaques et de lobes pariétaux, derrière
ce film. La zone-clef, nous lavons tous. On naît
avec, qu'on le veuille ou non. On ne naît pas Einstein,
avec une zone qui serait déjà plus développée
que celle du voisin. Ce "creux des maths" sactive,
il se développe, comme des mollets se développent
si on fait de la course à pieds tous les jours.
En dautres termes, affirme une physicienne qui regrette
qu'on ait à ce point mis Einstein sur un piédestal,
donnez aux enfants le goût des maths et vous augmentez
leurs chances de devenir de futurs Einstein.
Et pour leur donner le goût des maths,
il ne suffit pas de les obliger à apprendre par
coeur la table des multiplications. Autrement, vous préparez
de futurs handicapés: très forts en mémoire,
mais incapables de saisir la magie des chiffres.
La Bosse des maths.
Réal.: Stanislas Dehaene et Jean-Pierre Gibrat.
Production Arte. 52 minutes. Dans le cadre du Festival
Téléscience. Le dimanche 4 novembre
à 18h30 à la Cinémathèque
québécoise de Montréal, et mercredi
7 novembre à 19h, au Musée de la civilisation
de Québec
Pascal Lapointe