Festival Téléscience
2001
Conflits climatiques: la science simpliste
(ASP) - Le récit du pauvre chercheur
isolé, luttant courageusement contre le vilain
establishment, fait un bon film, mais pas nécessairement
un documentaire rigoureux. Cest la voie qua
choisi le réalisateur Lars Mortensen, en sattachant
à la théorie controversée dun
physicien danois sur les causes du réchauffement
global.
Le film sappelle Conflits climatiques,
et les conflits en question ont tout à fait lallure
dune lutte du Bon contre les Méchants: les
Méchants étant, ici, tous ceux qui accréditent
la "théorie" des gaz à effet de
serre, tandis que notre vaillant chercheur, Henrik Svensmark,
lui, pointe du doigt le Soleil comme coupable.
En soi, il nest pas le premier à
dire que le Soleil, avec ses cycles, ses périodes
de violentes éruptions puis daccalmies, doit
certainement jouer un rôle dans les fluctuations
climatiques de notre petite planète: après
tout, celle-ci a connu quantité de périodes
de réchauffement et de refroidissement, bien longtemps
avant que lHomme ny soit apparu. Mais là
où Svensmark se démarque, cest en
moussant, depuis 1997, une théorie faisant état
dune interaction complexe entre lénergie
cosmique les particules qui nous proviennent de
lextérieur de notre système solaire-
et lactivité solaire. Interaction qui serait
la seule coupable de lactuel réchauffement.
Exit les gaz à effet de serre !
Souligner au public que lhomme nest
pas le seul responsable du réchauffement nest
pas une mauvaise chose. Mais encore aurait-il fallu que
le réalisateur souligne quà peu près
aucun scientifique ne nie cela: au contraire, on sort
des 52 minutes de Conflits climatiques avec la
nette impression que tous les climatologues sauf
Svensmark, véritable héros sans peur et
sans reproche- sont des gens étroits desprit,
incapables de voir dautres causes que celles dorigine
humaine. Un expert britannique en climat soppose-t-il
à Svensmark au cours dun congrès scientifique
que la caméra nous en donne lallure dun
personnage pincé, hautain bref, tout à fait
désagréable.
Le spectateur obtient pourtant fort peu
de viande pour pouvoir conclure que los rongé
par Svensmark est valable: en-dehors des nombreuses interventions
du journaliste britannique et auteur Nigel Calder, qui
sest transformé, depuis trois ans, en véritable
porte-parole du Danois, ce que le réalisateur a
à offrir de substantiel se résume à
quelques graphiques montrant une corrélation entre
les niveaux dactivité solaire et la hausse
ou la baisse des températures pendant le XXe siècle.
Or, à elle seule, une corrélation, tous
les statisticiens le diront, na jamais été
une preuve de quoi que ce soit, les chiffres étant
choses interprétables de 1001 façons.
Le résultat final est un film fort
bien fait, bien articulé, rempli dimages
et danimations superbes, mais dont largumentation
frise par moments la démagogie.
Conflits climatiques,
par Lars Mortensen. Production Arte. Au Festival
Téléscience.
Pascal Lapointe