Festival Téléscience
2001
La Religion du gène: au nom de Dieu...
(ASP) - Tout de même incroyable, tout
ce quon peut faire au nom de Dieu. Même en
science. Relire Son Grand Livre de la vie en décodant
lADN, se lapproprier pour en tirer des médicaments,
fouiller dans les mystères de la Création...
"Dieu ne craint pas la concurrence." Et celui
qui le dit sur un ton tout ce qu'il y a de sérieux,
ce nest pas un homme daffaires de Wall Street
tout heureux de son investissement dans une firme de biotechnologie,
mais un rabbin israélien. Pour lui en effet, il
ny a rien danormal à jouer avec ces
fameux mystères de la Création. Ou à
tenter de les interpréter à notre avantage.
La réalisatrice Marianne van Neyenhoff
aurait pu se contenter dun documentaire sur la course
folle à largent et au pouvoir qui entoure
la recherche en génétique depuis 10 ans
que, déjà, elle aurait eu un excellent sujet:
entre d'une part Craig Venter, le patron de Celera Genomics,
cette compagnie qui a coiffé au poteau le consortium
international Génome humain dans le décodage
de nos gènes et qui, dune couverture de magazine
à une séance de photo, a tout à fait
lallure dun mégalomane en blouse blanche,
et d'autre part ce médecin sexagénaire qui
sest trouvé la job la plus lucrative
qui soit en effectuant des tests de paternité,
ce qui se dégage de La Jungle des gènes
est un portrait décapant de la science génétique
de lan 2001: une fuite en avant; des laboratoires
où les priorités sont dictées par
les investisseurs; un univers où on ne voit rien
dimmoral à breveter un gène, puisque
cest ce que veulent les investisseurs; un univers
où le mot "Pouvoir" revient toutes les
deux minutes; des apprentis-sorciers qui se prennent pour
Dieu, et ce nest pas une blague, les allusions au
pouvoir suprême viennent deux-mêmes.
"Posséder le code génétique
permet de tout faire."
Mais la réalisatrice ne sest
pas contentée de cette heure-là. Elle en
a produit deux autres sur autant de volets de la course
aux gènes, dont le deuxième, intitulé
Israël : une mémoire biologique,
nous entraîne dans un autre monde: un monde qui
sappuie sur 3000 ans dhistoire, sur des généalogies
remontant à une centaine de générations.
Un monde dans lequel la génétique sinscrit
parfaitement... ou du moins, une certaine conception de
la génétique: une conception qui flirte
dangereusement avec leugénisme, avec la recherche
de mythiques "gènes juifs". Et une conception
qui conduit ultimement aux tests génétiques
que lÉtat dIsraël fait subir à
des candidats à limmigration, en violation
de toutes les règles dun État démocratique.
Arrivé à ce stade, insiste
la réalisatrice dans lintroduction à
cette série documentaire en trois parties, produite
par la télévision franco-allemande Arte,
ce nest plus de la science du gène dont il
faut parler, mais de la religion du gène. Lattention
quon porte à cette molécule appelée
ADN dont on ne connaissait absolument rien il y a 50 ans,
les espoirs quon place en elle, le piédestal
sur lequel certains la posent, nont plus grand-chose
de scientifique. En tout cas, ils nont plus rien
à voir avec la science désintéressée,
telle quon souhaiterait quelle se pratique
encore. À Tel-Aviv, le gène intéresse,
à condition quil puisse démontrer
que celui qui le porte est, dune certaine façon,
supérieur à son voisin palestinien. A Wall
Street, le gène intéresse en autant quil
rapporte des sous, beaucoup de sous. Et vite. "La
calvitie est 1000 fois plus rentable que nimporte
quelle maladie neuro-dégénérative",
réagit un malade. Bienvenue au XXIe siècle...
La Jungle du gène
et Israël : une mémoire biologique?
, par Marianne van Neyenhoff et Guy Saguez. Au Festival
Téléscience. Le jeudi 8 novembre à
19h au Musée de la civilisation de Québec
et le vendredi 9 novembre à 17h30 au Cinéma
ONF de Montréal.
Pascal Lapointe