Les meilleurs du Québec
(ASP) - Un précurseur de l'archéologie
a décroché un des Prix du Québec
en science; un pionnier des maladies neurodégénératives
en a reçu un autre; ainsi qu'un pionnier de l'Université
du Québec à Montréal, un précurseur
des recherches sur le béton, et un précurseur
de la réforme du Code civil.
Tournés vers le passé, les
Prix du Québec? Chose certaine, cette année,
les lauréats du volet scientifique ont plus que
jamais en commun d'avoir ouvert des pistes qui, si elles
semblaient peu prometteuses à l'époque,
ont donné naissance, 20, 30, ou 40 ans plus tard,
à des réseaux ou des disciplines dont le
dynamisme et la réputation dépasse les frontières.
Il y a par exemple le cas de Pierre-Claude
Aïtcin. Qui aurait cru que ce chercheur français
venu s'installer au Québec en 1967, depuis professeur
au département de génie civil de l'Université
de Sherbrooke, deviendrait un jour une sommité
mondiale du... béton? Au point de rassembler autour
de lui l'une des plus importantes équipes de recherche
au monde (plus de 100 chercheurs et étudiants diplômés)
dans le domaine? C'est que mine de rien, au cours des
dernières décennies, le béton s'est
révélé plus riche qu'on ne le croyait:
même la façon dont on y mélange sables,
cailloux, gravier et eau peut accroître -ou réduire-
sa résistance et sa durabilité. De là
viennent ce qu'on en est venu à appeler les bétons
haute performance, qui peuvent être aussi résistants
que l'acier, et pour lesquels l'équipe de M. Aïtcin
est devenue un chef de file mondial. Un travail de longue
haleine récompensé par le Prix Lionel-Boulet
(inventions ou innovations scientifiques).
Moins spectaculaire, mais tout aussi ancrée
dans le long terme, est la contribution d'André
Parent, gagnant du prix Wilder-Penfield (biomédical).
Fasciné très tôt par le cerveau et
les maladies qui l'attaquent, ce chercheur qui enseigne
depuis une trentaine d'années au département
d'anatomie de l'Université Laval s'est tout particulièrement
intéressé à une région de
notre matière grise appelée les ganglions
de la base: on soupçonne que c'est parmi ces neurones
que se produisent les dégâts constituant
les premiers symptômes de la maladie de Parkinson.
Trois décennies plus tard, on ne sait toujours
pas pourquoi la dégénérescence commence
là, mais on sait que l'intuition était fondée,
et qu'elle s'applique aussi à l'Alzheimer.
Pionnier de toute une université
est pour sa part Claude Hillaire-Marcel: ce récipiendaire
du prix Marie-Victorin (sciences pures et appliquées)
fut l'un des premiers profs de science de la toute jeune
UQAM, à la fin des années 1960. De passionné
de géologie qu'il était il y a 35 ans, il
est devenu aujourd'hui un spécialiste mondial de
la géochimie isotopique -un nom bien complexe pour
désigner la chimie appliquée à l'étude
des cailloux ou de la croûte terrestre. En examinant,
littéralement molécule par molécule,
le sol qui nous entoure, on en arrive à dégager
des informations fondamentales sur l'évolution
de ce sol, voire les changements climatiques, au fil des
millions d'années.
Les sciences sociales voient elles aussi
des travaux n'obtenir leur aboutissement que des décennies
plus tard. Lorsque Paul-André Crépeau
obtient sa licence de droit en 1950, l'enseignement du
droit n'est même pas encore jugé une discipline
universitaire. En devenant prof à l'Université
McGill, et en commençant ses travaux de recherche,
il est toutefois loin de se douter que l'aboutissement
ultime en sera la plus importante réforme du Code
civil du Québec depuis un siècle (entré
en vigueur en 1991), réforme qui, entre autres
choses, mettra un point final au passage d'une société
religieuse à une société laïque.
C'est ce rôle fondamental dans l'histoire du Québec
que vient de récompenser le prix Léon-Gérin
(sciences humaines).
Mais la palme du long terme revient sans
doute à Norman Clermont, dont l'objet de la recherche
se mesure en milliers d'années: pionnier de l'archéologie
québécoise, instigateur en 1972 du premier
cours universitaire sur la préhistoire du Québec,
fondateur de la première Ecole de fouilles en 1975,
il a également, tout au long de sa carrière
au département d'anthropologie de l'Université
de Montréal, attaché une importance particulière
à la vulgarisation. Le prix Gérard-Morisset
(patrimoine) s'ajoute au Prix Smith-Wintemberg, reçu
en mai dernier de l'Association canadienne d'archéologie
pour sa contribution exceptionnelle à l'avancement
des connaissances et à la promotion de la discipline.
Enfin, il faut situer dans une catégorie
à part le prix Armand-Frappier, qui récompense
la contribution au développement d'une institution
ou l'administration de la recherche. L'heureux élu
cette année est Robert Lacroix, recteur
de l'Université de Montréal.
Les Prix
du Québec