Des millions pour les gènes
(ASP) - Le séquençage du génome
humain sera bientôt terminé. Ce sera alors
le début dune longue odyssée à
travers les gènes, pour en comprendre les multiples
fonctions. Le Canada, à peu près absent
de la première étape, aimerait bien se faire
remarquer dans la seconde grâce à cart@gène,
un projet visant à créer une banque de données
génétique de la population québécoise.
Le financement de cart@gène représenterait
35 millions $ sur trois ans. Il reste encore des étapes
à franchir avant que ce budget ne soit adopté
par Génome Canada, responsable de la distribution
des crédits en génomique. Mais une étape
importante vient d'être franchie: parmi les organismes
provinciaux, Génome Québec est devenu, le
13 novembre, le premier à évaluer le projet,
et à le déclarer viable. Génome Canada
statuera en mars 2002 sur l'allocation des ressources.
Claude Laberge du Réseau de médecine
génétique appliquée au CHUL, est
le directeur scientifique de cartagene. Il affirme que
cette banque de données contribuera à découvrir
lorigine génétique de maux aussi divers
que le cancer ou les maladies cardiovasculaires. Pour
réaliser un tel "projet de société ",
1% de la population sera appelé, à titre
volontaire, à participer. Ils devront répondre
à un questionnaire sur leur mode de vie, se soumettre
à des mesures corporelles (poids, taille, etc)
ainsi quà une prise de sang. Les résultats
obtenus resteront anonymes, assurent les gens de cart@gène.
Un doute peut cependant subsister: les candidats pourront
être rappelés dans quelques années,
pour participer à la seconde phase du projet cart@gène,
ce qui implique que les noms devront être conservés
dans quelque archive.
Qua t-elle de si particulier, cette
banque cart@gène? Contrairement à celles
déjà constituées au Québec,
elle se veut exhaustive, souligne M. Laberge. Les autres
ciblent généralement des segments très
particuliers de la population. Et par rapport au reste
du monde, le Québec présente un caractère
unique: une population homogène en région,
et diversifiée à Montréal, une caractéristique
extrêmement intéressante pour décortiquer
lorigine des maladies.
Il faut se rappeler qu'une même maladie
peut être en partie d'origine génétique,
et en partie causée par le mode de vie (le tabagisme,
la pollution, etc.), des distinctions que cart@gène
devrait être capable de faire.
Cart@gène, soutient ses promoteurs,
aura des retombées dabord et avant tout locales.
Elle permettra de créer une expertise pour les
chercheurs dici, autant en génomique, le
nouveau domaine à la mode pour les investisseurs,
quen génétique des populations. En
facilitant l'identification des origines génétiques
de maladies plus présentes ici, elle pourrait avoir
des impacts sur notre système de santé.
Même les historiens et les anthropologues pourraient
se servir de la banque pour mieux comprendre les migrations
et les mouvements de population.
Génome Québec et Génome
Canada seront donc les bailleurs de fond de cart@gène
si le projet est financé. Ces organismes, majoritairement
publics, ne sont pas désintéressés:
ils ont pour mission "de transformer les résultats
de la recherche en occasion de croissance pour les compagnies
biotechnologiques", comme le rappelait récemment
Le Devoir. Faut-il en conclure que les compagnies
privées (surtout les pharmaceutiques) seront les
utilisatrices privilégiées de ces données
récoltées chez 50 000 Québécois
? Cest en substance, la peur dont fait part lanthropologue
Céline Poissant.
On remarque aussi que le projet na
pas été vraiment présenté
à la population. Pour répondre aux questions
dordre éthique, on a surtout demandé
laccord de principe des organismes publics concernés
(Commission de laccès à linformation,
comités déthique des universités,
etc.). On prévoit une vaste consultation populaire
mais seulement après loctroi des crédits.
François d'Allaire