Le réchauffement, revu et expliqué
(ASP) - Des ours noirs chez les Inuits?
Des perce-oreilles et des cerfs de Virginie au Lac Saint-Jean?
Ces observations, de moins en moins surprenantes, sont
quelques-unes des manifestations du réchauffement
climatique. Même Hydro-Québec a constaté
que nous avons dépensé 15% moins d’électricité
en chauffage, au cours de la dernière décennie.
"Depuis dix ans, nous avons battu tellement
de records que les météorologues doivent
recalculer leurs moyennes", affirme Claude Villeneuve.
En 1990, son premier livre intitulé Vers un
réchauffement global? L’effet de serre expliqué,
mettait en garde contre le mode actuel de consommation
excessif. Sans prendre position quant à la nature
anthropique du phénomène, il encourageait
à adopter des comportements prudents face à
l’imminence du réchauffement et à la
problématique des gaz à effet de serre.
"Dix ans plus tard, cette mise en garde
est encore plus d’actualité", insiste
Claude Villeneuve. Le titre de son nouveau livre, Vivre
avec les changements climatiques parle de lui-même.
L’idée n’est pas de débattre de
la possibilité d’un tel phénomène,
mais de le comprendre… et d’agir.
"Le climat façonne nos vies,
bien plus qu’on ne le pense. La production d’énergie,
l’occupation du territoire, notre alimentation et
nos habitations en dépendent. En retour, il est
clair que nous influençons le climat". Depuis
la période industrielle, les émissions de
CO2 ont augmenté de façon exponentielle
à cause de l’extraction de combustibles fossiles.
Pourtant, si chacun de nous consommait deux litres d’essence
de moins tous les 100 kilomètres, les objectifs
de l’accord de Kyoto seraient atteints. "Ces
petites actions qui paraissent anodines deviennent très
significatives lorsque nous sommes des milliards à
les appliquer", soutient Claude Villeneuve.
Hélas, les sociétés
de consommation nord-américaines encouragent peu
l’économie d’énergie. Alors qu’il
était directeur de l’Institut européen
pour le Conseil en environnement de Strasbourg, Claude
Villeneuve a constaté que le Québec était
largement en retard sur plusieurs pays d’Europe.
L’implantation d’une taxe pour les véhicules
les plus polluants n’est qu’un exemple de mesure
adoptée par un gouvernement pour encourager des
actions de la part des citoyens.
Claude Villeneuve n’en n’est pas
à ses premières armes en vulgarisation scientifique.
Biologiste, il œuvre depuis 25 ans dans le domaine
de l’environnement, tantôt comme enseignant,
tantôt comme consultant. Il siège aujourd’hui
sur la Commission canadienne pour l’UNESCO comme
expert sur des questions liées à l’environnement.
Il est l’auteur de plusieurs cédéroms,
de films et de livres. Celui dont il est question ici
a été rédigé avec François
Richard, un ancien collègue, spécialiste
de l’impact des changements climatiques sur l’environnement.
Les auteurs ne se sont pas contentés
de décrire le phénomène des variations
climatiques et d’y exposer les dernières découvertes
en matière de recherche et de modélisation
des climats. L’ouvrage abondamment illustré,
simple et bien structuré, trace aussi le portrait
des négociations politiques qui se sont déroulées
au cours des 15 dernières années. On dresse
en quelque sorte l’historique de la Convention-cadre
des Nations Unies sur les changements climatiques, depuis
le rapport Bruntland de la Commission mondiale sur l’environnement
en 1987, ayant a abouti au Sommet de la Terre à
Rio en 1992, jusqu’à la Conférence
de Bonn en juillet 2001.
En matière de tergiversations politiques,
Claude Villeneuve compare l’accord de Kyoto à
un ornithorynque. À l’image de cet animal
"politiquement correct" -ni tout à fait
mammifère ni tout à fait oiseau- l’accord
a été obtenu à force de négociations
ardues entre des pays aux moyens disproportionnés.
" Son application demeure très difficile.
Les sanctions dictées pour les mauvais joueurs
sont encore mal définies et mal contrôlées. Cet
accord est sans doute un cul-de-sac évolutif comme
l’ornithorynque."
Néanmoins, Claude Villeneuve demeure
optimiste. "L’être humain est capable
de s’adapter à toutes les situations."
Le Danemark, par exemple, a démontré qu’il
pouvait remplacer 10% de sa consommation d’énergie
par des éoliennes. La modification des pratiques
agricoles, les puits de carbone ainsi que les nombreuses
entreprises qui travaillent dans la récupération
d’énergie témoignent de l’avancement
des connaissances en la matière. Reste la volonté
de les mettre en œuvre. L'auteur mise aussi sur la
prochaine génération de conseillers en environnement,
à la fois près des connaissances scientifiques
et du public. Il est actuellement professeur invité
à l’Université du Québec à
Chicoutimi, où il dirige un nouveau diplôme
d'études supérieures spécialisées
(DESS) en Éco-Conseil.
Claude Villeneuve adresse son livre aux
citoyens de tous âges. Mais il dédie son
contenu à sa petite nièce Gabriela. Les
enfants du 21e siècle n’auront
pas le choix de vivre avec les changements climatiques…
Vaut qu’ils le fassent de façon éclairée.
Emmanuelle Bergeron
