Quand les gens d'affaires s'intéressent
à l'enseignement
(ASP) - Ce n'est plus un secret pour personne,
l'industrie s'implique de plus en plus dans le système
scolaire. À travers de discrètes commandites
jadis, puis des interventions ciblées aujourd'hui,
dans tel et tel programme universitaire, au risque de
se faire accuser de détourner l'enseignement à
ses propres fins.
Le confondateur de la compagnie Systèmes
électroniques Matrox, lui-même ingénieur,
Lorne Trottier, avait donc un prétexte en or pour
promouvoir sa vision de "L'enseignement des sciences dans
l'économie actuelle", dans le cadre d'une conférence
matinale tenue récemment: l'étude du Conseil
de la science et de la technologie, déposée
quelques jours plus tôt, qui
soulignait les nombreuses lacunes du citoyen québécois
en matière de culture scientifique.
Organisée par la Chambre de commerce
du Montréal métropolitain, cette conférence,
s'adressant surtout aux gens d'affaires, avait pour but
d'insister sur "l'importance fondamentale", dans la société
actuelle, "d'améliorer la qualité de l'enseignement
des sciences". Et dans la vision d'un Lorne Trottier,
l'amélioration de l'enseignement des sciences passe
inévitablement par une implication plus grande
du secteur privé.
C'est déjà commencé:
un projet appelé le Plan 2Ti, entré en vigueur
en 1999 et visant à doubler en six ans le nombre
de diplômés en technologies de l'information,
est chapeauté par Montréal TechnoVision,
un regroupement de gens d'affaires. En réalité
toutefois, la plus grande partie des sous proviennent
du ministère de l'Éducation, qui a rapidement
créé un comité conjoint industrie-éducation.
Mais, autant du côté public
que du côté privé, on s'interroge
sur les chantiers à entreprendre. La présence
trop voyante de l'industrie irrite généralement
le milieu universitaire (y
compris les associations étudiantes), et les
programmes qui ne sont pas suffisamment pratico-pratiques
irritent souvent le monde des affaires. Comment l'industrie
peut-elle concrètement améliorer l'éducation,
a-t-on ainsi demandé au conférencier ce
matin-là. Celui-ci n'a pu répondre que par
un exemple très local: une initiative de l'Ouest
de Montréal, appelée "Science Day", destinée
aux professeurs, qui vise à les rendre plus conscients
de l'importance de la science dans l'économie locale.
Un des spectateurs, Patrick Beaudin, directeur
de la Société pour la promotion de la science
et de la technologie, a été le seul à
y aller d'une suggestion concrète: une étude
du MEQ, a-t-il souligné, a récemment révélé
que les ouvrages scientifiques dans les bibliothèques
scolaires sont âgés en moyenne de 17 ans
(!). Et à la Grande bibliothèque actuellement
en chantier, "le livre de science est un domaine mineur".
Si l'industrie se cherche à ce point des chantiers,
des lieux où ses investissements seraient les bienvenus,
"l'information scientifique et technique en est un".
Pascal Lapointe