Souris brevetée: le Canada
n'inquiète personne
(ASP) - On a un peu parlé, depuis
le début du mois, du fait que le Canada refuserait
de breveter chez lui la souris transgénique de
l'Université Harvard. Comment la chose a-t-elle
été perçue en-dehors des frontières?
À peine plus qu'un murmure. "La décision,
résume la revue Nature, ne représente
pas un gros bouleversement pour Harvard, parce que le
Canada est un partenaire relativement petit du marché
global de la souris. Mais elle pourrait avoir des impacts
majeurs pour la recherche en sciences de la vie et en
biotechnologie au Canada."
De fait, interrogés
il y a deux semaines par Le Devoir (accès
réservé aux abonnés), des
représentants de l'industrie des biotechnologies
s'étaient dit très déçus de
cette décision de la Cour suprême du Canada,
qui déclare illégale l'obtention d'un brevet
pour une souris, fut-elle transgénique, alors que
d'autres pays -dont, évidemment, les Etats-Unis-
ont accordé, eux, le dit brevet. "C'est un coup
de massue pour la recherche scientifique, déclarait
alors la présidente de BioteCanada. Ca freinera
l'innovation... Certains de nos chercheurs partiront pour
d'autres cieux."
Faut quand même pas exagérer,
répliquait Richard Gold, professeur de droit à
McGill. D'abord, le brevet en question n'a pas été
accordé tel quel en Europe: alors que Harvard souhaitait
un brevet pour toutes les formes de vie supérieures
chez qui on pourrait insérer le gène nouveau,
l'Europe n'a dit oui qu'à la souris, et encore,
uniquement à la souris transgénique dont
il est spécifiquement question ici: l'oncosouris,
porteuse d'un gène qui accélère le
développement de tumeurs.
"Une forme de vie supérieure n'est
pas brevetable, a tranché la Cour suprême
(tout de même par cinq voix contre quatre, fort
loin de l'unanimité), parce qu'elle n'est ni une
"fabrication" ni une "composition de matières"
au sens du mot invention figurant dans la Loi sur les
brevets."
Ce qui n'empêche toutefois pas, a
été la seule à noter la
revue américaine Science (accès
réservé aux abonnés), Harvard
d'aller de l'avant avec des brevets pour protéger
les procédés par lesquels cet animal transgénique
est produit. Selon l'avocat David Morrow, qui représentait
l'université américaine, la décision
laisse toute latitude à des brevets sur des cellules,
de même qu'à des cultures de cellules et
de plasma, toutes liées au travail sur cette souris.
Souris dont le but premier est d'étudier l'évolution
du cancer sur un être vivant -et Harvard travaille
sur cette oncosouris depuis pas moins de 17 ans.
Qui plus est, il existe d'ores et déjà,
au Canada, des brevets sur le vivant: séquences
génétiques de végétaux et
d'animaux, de même que des microbes produits ou
modifiés en laboratoire, comme la levure. La différence,
aux yeux de la Cour, étant que ce ne sont pas là
des formes de vie "supérieures".