L'imagination: moteur de la science
(ASP) - Le moteur de la science tourne bien
souvent grâce à limaginaire. En fait,
c'est l'imaginaire, cette capacité de se projeter
ailleurs, associé à l'intuition et à
l'observation, qui a permis, et permet encore, la réalisation
de bien des découvertes parmi les plus fascinantes.
La science serait donc indissociable de
la culture. Cest le parti qua choisi de défendre
Jean-François Chassay, professeur de littérature
à lUniversité du Québec à
Montréal, en organisant un colloque international
appelé Science, Imaginaire, Éthique qui
avait lieu du 21 au 23 novembre à lUQAM.
Le but premier : briser la dichotomie trop souvent
prise pour acquis entre sciences "pures" et sciences humaines.
Laurent Legault, endocrinologue spécialiste
du diabète, a par exemple raconté comment
l'imaginaire et la curiosité des chercheurs les
ont menés à découvrir l'insuline.
De la Grèce antique jusqu'à aujourd'hui,
c'est cette association qui a permis à l'humanité
de sortir de la " caverne de Platon ".
Et on n'encourage peut-être pas suffisamment ces
talents. Il déplore par exemple que les étudiants
en médecine quil côtoie aient parfois
des façons de voir les choses " tout blanc,
tout noir ", ce qui, selon lui, est impropre
à lavancement des sciences. Il est de première
importance, dit-il, de les aider à ouvrir leur
regard et leur imaginaire à des espaces infinis.
De quoi sera fait limaginaire du futur?
Voilà une question sur laquelle le professeur de
littérature Bertrand Gervais a choisi de se pencher.
Se basant sur une nouvelle de Richard Powers, Literary
Devices, il a imaginé comment le cyberespace
pourrait un jour générer ses propres récits
de fiction. À travers un logiciel qui serait capable,
à la façon de Google, de piger dans ce nouvel
inconscient collectif constitué de quelques milliards
de pages, sécriraient, sans auteur, des " histoires
sans fin ". On pourrait nous-mêmes interagir
en envoyant des courriels à Emile Nelligan ou Louis
Pasteur
qui nous répondraient! Science-fiction?
Sans nul doute, mais comme le dit M. Gervais : " lhomme
a toujours le désir dexpériences plus
fortes " et c'est grâce à de tels
efforts d'imagination que la connaissance progresse.
Réunissant chercheurs et penseurs
de huit disciplines différentes (communication,
histoire, littérature, mathématiques, médecine,
paléontologie, philosophie et physique) ce colloque
sinterrogeait aussi sur les enjeux éthiques
qui découlent de la place occupée par limaginaire
dans la science. C'est que la science fournit également
des clés pour de meilleures relations avec les
autres et avec notre environnement.
Pour Pascal Picq, paléontologue de
renom et excellent orateur, la science peut générer
une éthique qui serait véritablement basée
sur ce que lon est et non sur ce que lon croit
être. LHomme, croit-il, manque complètement
dimagination, les illères quil
sest posées ne lui laissent voir que ce quil
veut bien : il est le centre du monde. Alors que
pour Pascal Picq, si la nature avait évolué
autrement, nous aurions pu être complètement
différents
ou ne pas être du tout!
"On me parle dordinateurs intelligents,
mais dès que je dis quun singe a une conscience,
on marrête en me disant que cest impossible
!" Finalement, si limagination restreinte de
lHomme ne le limitait pas à sa seule mythologie,
il serait probablement le plus sage des animaux et saurait
mieux préserver cette petite boule quest
sa planète...
Vanessa Quintal