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Revues savantes sur le Net: ça traîne encore
par Pascal Lapointe
QUEBEC - Il y a quatre ans, les internautes de la première heure
regardaient d'un côté l'évolution fulgurante du Net,
et de l'autre les revues universitaires de chercheurs et se disaient: quel
beau couple! Voilà des publications hyper-spécialisées,
indispensables à leur lectorat, mais un lectorat tellement limité...
Quoi de plus logique que d'abandonner le papier et de ne publier qu'en format
électronique?
Quatre ans plus tard, la grande majorité n'existe, encore et toujours,
que sur le bon vieux papier.
Ce n'est pas que les personnes concernées se soient braquées
contre le changement. Au contraire, de nombreux bibliothécaires et
chercheurs planchent sur la question depuis 1996; des expériences
comme celle de l'Astrophysical
Journal, à l'Université de Chicago, sont considérées
comme des modèles à suivre; des projets-pilote sont en cours
à l'Université de Montréal (envoi de cinq revues savantes
sur le Web, en collaboration avec cinq autres universités) ou sur
le point de démarrer à l'Université Laval (envoi de
thèses et mémoires sur le Web); enfin, "jeunes"
comme "vieux" étaient unanimes, le lundi 11 mai, au cours
d'un colloque d'une journée dans le cadre du congrès de l'ACFAS
(Association canadienne française pour l'avancement des sciences),
à Québec, à dire que la transition est inévitable.
Le problème, c'est que les enthousiastes d'il y a quatre ans se
sont rendu compte que la "transition" sera pas mal plus compliquée
que prévu.
"On est en train de développer un nouveau type de document,
explique Guy Teasdale, bibliothécaire à l'Université
Laval, qui va repenser l'édition savante mais aussi l'accès
à la connaissance." Autrement dit: il ne suffit pas de prendre
la Revue de la recherche en biologie moléculaire, et de la
garrocher sur le Web. Il faut s'assurer qu'elle sera accessible avec
n'importe quel ordinateur, qu'il n'y aura pas la moindre petite erreur au
transfert -si vous êtes mathématicien, une virgule à
la mauvaise place peut faire la différence entre la gloire et la
déchéance- et surtout, il faut s'assurer que la Revue
résistera au passage du temps: avec la version papier, on sait qu'une
fois rangée dans les rayons d'une vingtaine de bibliothèques,
elle y restera des décennies. Mais avec le Web? Qu'arrive-t-il si
le fournisseur d'accès à Internet qui abrite la Revue
fait faillite? Et si c'est la Revue qui fait faillite, qui donc veillera
à ce que la collection continue d'être accessible pendant des
décennies?
Il existe des solutions, mais elles exigent des factures salées...
Le projet-pilote de l'Université de Montréal par exemple,
n'a pu démarrer que grâce à une subvention de 100 000$
du Fonds pour la formation des chercheurs et l'aide à la recherche
(FCAR).
En attendant, il y a urgence en la demeure. D'après un rapport de l'Association
des universités et collèges du Canada (AUCC) déposé
en novembre 1996, "le nombre d'articles scientifiques double tous les
dix à quinze ans." Or, "lorsqu'on combine cette prolifération
aux compressions, aux gels budgétaires imposés aux universités
et à la montée en flèche des prix des monographies
et des revues, il n'est pas surprenant que les bibliothèques universitaires
aient bien du mal à entretenir les collections sur lesquelles s'appuient
l'enseignement et la recherche." C'est dans ce contexte que la transition
vers un univers électronique apparaît comme une bénédiction.
Une bénédiction, mais qui n'est pas gratuite, elle non
plus. Contrairement à la croyance populaire, les coûts de production
ne se retrouvent pas réduits à zéro sur Internet. "Les
coûts reliés à la production du premier exemplaire sont
très élevés", rappelle
Guylaine Beaudry, directrice des publications électroniques aux
Presses de l'Université de Montréal. En fait, "ces coûts
devraient être essentiellement les mêmes [pour la production
électronique] que pour la production papier puisque les étapes
d'évaluation, de révisions et de corrections sont indépendantes
du support de diffusion." C'est seulement une fois passé le
premier numéro qu'on commence à économiser.
Certes, on pourrait créer des revues savantes qui se passent de
tout ce processus par lequel un chercheur doit voir son article évalué
par ses pairs. Sauter cette étape permet de publier plus vite, et
coûte moins cher. Le Net a vu proliférer de telles revues.
Mais quelle valeur peut-on attacher à ces articles qui ne sont passés
par aucun filtre?
Sans aller jusque-là, les chercheurs devront repenser leur façon
de travailler et d'écrire, concluait au terme de cette journée
à l'ACFAS Jacques Desnoyers, directeur des programmes du FCAR. "Les
chercheurs auront intérêt à trouver un mode de diffusion
moins coûteux... s'ils veulent être lus."
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