L'original
Cet article, un scoop de la journaliste
Annie Cloutier, de l'Agence Science-Presse, est
paru le 19 mars 2001 dans le quotidien La Presse.
Harveys
à lhôpital : un pontage
avec ça ?
par Annie Cloutier
Agence Science-Presse
En voici un
quon naurait pas cru voir associé
à une alimentation saine et équilibrée :
un restaurant Harveys a ouvert ses portes
le 5 février à
lhôpital
Maisonneuve-Rosemont. Le premier du genre à
ouvrir dans un centre hospitalier québécois.
Il fait partie dun mini-complexe de restauration
qui comprend également un restaurant Second
Cup, un bar à salade et une sandwicherie.
Nest-il
pas un peu incongru de retrouver un temple de la
malbouffe dans un tel endroit ? Brigitte Santerre,
directrice du complexe, ny voit pas de problème
car " on ny propose pas que des
frites et des hamburgers, mais également
des végépâtés "
qui, selon elle, " se vendent bien ".
Reste à savoir si on va dans ce type de resto
pour manger de la salade
Pourtant, il
y a la cafétéria qui dessert à
la fois les visiteurs, les employés et les
patients de lHôpital. La nourriture
quon y sert est " certifiée
Menu Mieux-Vivre " déclare Ronald
Gravel, chef du service de diététique
de lhôpital. Cela signifie quelle
doit respecter certaines règles, notamment
en ce qui concerne la quantité de sucre et
de gras contenus dans les aliments. On nutilise
pas de gras hydrogénés ni dhuile
de palme. Le buf haché doit quant à
lui contenir 25 % de tofu. " Ce programme
vise à améliorer et à maintenir
la santé " ; services de diététique
et franchises ne visent probablement pas les mêmes
objectifs ! explique en substance M. Gravel.
De son côté,
le directeur de lhôpital, André
Ducharme allègue que la concession à
laquelle appartient le restaurant Harveys
ne fait que remplacer un ancien casse-croûte
jugé désuet. " À
cause du virage ambulatoire, il y a de plus en plus
de clientèle. Nous désirons simplement
offrir un plus grand choix ". Même
sil est au détriment de leur santé?
Le directeur rétorque que lon ne nuit
pas à sa santé en mangeant une fois
de ce type de nourriture. Et même si cétait
le cas, dit-il, on ne peut pas décider pour
la clientèle. " Les gens
sont responsables de ce quils mangent. "
Même à lhôpital, avec une
nourriture que plusieurs études accusent
dêtre responsable de maladies cardiovasculaires?
Depuis louverture
de son " concurrent ", la cafétéria
a enregistré une baisse de sa clientèle.
Mais M. Gravel préfère attendre que
leffet de la nouveauté se dissipe avant
de tirer des conclusions.
Étrangement,
larrivée de ce restaurant dans le paysage
hospitalier pourrait également faire le bonheur
des employés de la
cafétéria.
En effet, on rapporte que des employés, surtout
des jeunes, se ruent vers la bannière réconfortante
du fast-food au moment de la pause.
Quant à
la performance de son petit dernier, Germain Lefebvre,
directeur des exploitations des restaurants Harveys,
sen montre visiblement satisfait. Il indique
que la compagnie CaraFlex, qui gère le
complexe, prévoit réitérer
lexpérience dans dautres hôpitaux
de la province.
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Le doublon
Cet article, signé "T.C.", est
paru le 22 mars 2001 dans l'hebdomadaire Voir.
Nos commentaires figurent en
rouge.
Harvey's à l'hôpital!
Après la sortie
de l'article dans La Presse, les bulletins télévisés
ont fait leurs choux gras de cette nouvelle, le
19 mars. Aucun n'a cité La Presse ou l'Agence
Science-Presse comme source. Mais aucun ne s'est
non plus autant inspiré du texte original
que Voir...
Le 5 février dernier, un restaurant Harvey's
a ouvert ses portes... à l'hôpital
Maisonneuve-Rosemont!
On remarquera ici l'utilisation
judicieuse du point d'exclamation, qui donne au
texte de Voir
une saveur toute originale. C'est
le premier resto du genre à s'installer dans
un centre hospitalier au Québec. Mais pas
le dernier, paraît-il.
Le resto Harvey's fait partie d'un mini-complexe
de restauration qui comprend également un
café Second Cup. Mini-complexe
de restauration, l'expression sonne si bien, pourquoi
ne pas l'emprunter? Que fait donc le
fast-food, le junk tendance malbouffe, dans un temple
de la santé? La direction du complexe se
défend en disant que l'on vend, à
côté des frites et des cheeseburgers,
des végépâtés (!), et
que les gens ont bien le droit de choisir... Certes.
"La direction du
complexe" dont il est question ici a refusé
de parler aux journalistes, après la parution
de l'article de l'Agence Science-Presse. Elle n'a
donc pas été rejointe par Voir. La
source des propos ci-haut ne peut donc se trouver
que dans l'article de l'Agence Science-Presse (voir
la colonne de gauche). Source que le journaliste
de Voir a, cela va sans dire, malencontreusement
et tout à fait involontairement oublié
de citer...
On remarquera également
le sens de la concision de Voir, qui a remplacé
"Reste à savoir si on va dans ce type
de resto pour manger de la salade" par l'élégant
"Certes".
Pourtant, l'hôpital dispose d'une cafétéria
dont le menu est contrôlé et même
certifié "bon pour la santé". On
notera au passage que si le texte de Voir est plus
court, il n'a rien sacrifié à la beauté
de la structure. D'un paragraphe à l'autre,
on suit à la trace le texte original, et
ce jusqu'aux termes de transition, tels que ce "Pourtant"
fort bien placé, ou tels que l'utilisation
du terme "certifié" On se demande
bien où ils vont chercher tout ça.
Selon la direction de l'hôpital, le Harvey's
permet tout de même de répondre à
une clientèle de plus en plus grande avec
le virage ambulatoire. Encore
cette très vague "direction de l'hôpital".
Pourquoi s'embarrasser de téléphoner
à quelqu'un, quand un autre média
l'a déjà fait?
En termes clairs: Harvey's a bien une piastre à
faire sur le dos de la crise des urgences...
Une petite expression
crue pour se rappeler au bon souvenir des lecteurs
-après tout, on est dans un hebdo alternatif
ou on ne l'est pas.
Alors que l'on s'étonne de l'envahissement
de la publicité et de l'invasion des compagnies
dans les temples du savoir, un autre secteur public
devient la proie du privé: la santé.
Après avoir investi les hôpitaux ontariens,
voilà que la compagnie CaraFlex, qui gère
le complexe, prévoit réitérer
l'expérience dans d'autres hôpitaux
de la province, à la suite de ce projet-pilote.
De quoi se rendre malade? (T. C.)
Les soulignés sont
de nous. Toute ressemblance est bien entendu purement
fortuite.
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