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Il est un peu déprimant de voir M. Faucher, dans son texte paru dans l'édition du 19 avril 2010 de La Presse, ramener sur le tapis la possibilité que l’activité solaire soit à l’origine du réchauffement climatique, plutôt que l’augmentation des gaz à effet de serre. Cette possibilité, qui a été amplement étudiée par des astrophysiciens et autres spécialistes du Soleil, est maintenant complètement discréditée pour la majorité de la communauté scientifique et ne subsiste que dans le discours des opposants à tout crin à la lutte aux changements climatiques. Après tout, que peut-on faire si c’est la faute au Soleil?

Pourquoi est-ce important de corriger cette fausseté? Parce que la science, contrairement à ce que laissent entendre de nombreux critiques doctrinaires, progresse et que la compréhension que nous avons aujourd’hui du réchauffement climatique est beaucoup plus précise qu’il y a 30 ans, 10 ans et même cinq ans. Or, quand les pseudos-dissidents se contentent de répéter leurs mêmes oppositions année après année, c’est la possibilité même d’un véritable dialogue politique qui est prise en otage. Au lieu de permettre une analyse intelligente des doutes et des certitudes de la communauté scientifique, on laisse plutôt planer, comme le fait Philippe Faucher, que les faits n’existent pas et qu’ils sont autant matière à débat que les mesures à prendre.

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Or, ce n’est pas le cas. Affirmer que la Terre est plate et qu’elle est portée par une colonne sans fin de tortues ne change pas la réalité. Pire, continuer, malgré les nombreuses évidences, à défendre le droit des « aplatistes » de monopoliser le débat revient à nier l’existence du progrès dans la connaissance.

Personne, dans la communauté scientifique, ne nie l’existence d’incertitudes, d’inconnues et la possibilité d’erreurs. Plusieurs scientifiques sont aussi mal à l’aise avec la récupération politique de résultats qu'ils n’ont pas eu le temps de décanter, offrant ainsi une image déformée de la situation. C’est pourtant dans ce contexte que doivent travailler les chercheurs qui s’intéressent aux changements climatiques, ce qui les force à modifier une tradition de recherche universitaire où les interactions avec le public sont limitées à quelques communiqués par année.

Ainsi, dans un premier temps, on a créé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dont le but est de mettre à jour à intervalles réguliers, et de manière aussi objective que possible, l’état des connaissances dans le domaine. Les rapports ne sont pas parfaits, évidemment, surtout en ce qui concerne la partie modélisation, qui représente un défi technique remarquable, mais le message qui s’en dégage est resté remarquablement cohérent depuis plus de 20 ans : il y a un réchauffement planétaire qui est causé par l’augmentation des gaz à effet de serre. Et si chaque rapport est plus alarmiste que le précédent, comme le note Claude Allègre dans une référence reprise par M. Faucher, c’est que les scientifiques ont tendance à être précautionneux et que les bouleversements observés, tels que la fonte des glaciers, s’avèrent beaucoup plus rapides que ce que plusieurs croyaient raisonnables.

Plus récemment, les chercheurs découvrent également qu’il est important de faire preuve de plus d’ouverture en ce qui concerne l’accès du grand public aux données brutes et aux discussions préliminaires. Encore une fois, il faut changer de très vieilles habitudes et ce n’est pas facile. Mais on y arrivera.

Tout comme pour la maladie de la vache folle et la grippe aviaire, il importe que les données scientifiques soient aussi solides que possible. Et le débat sur celles-ci doit se faire à un niveau rationnel. Il est tout à fait acceptable et normal qu’on s’attaque à des résultats scientifiques particuliers et qu’on relève leurs limites. Il faut accepter, par contre, que la connaissance puisse progresser et clore un débat, comme c’est le cas pour le non-impact du soleil sur le réchauffement de la planète.

Ceci étant dit, ce n’est pas à la communauté scientifique de prendre les décisions face à la réalité du réchauffement climatique. C'est aux politiciens et à toute la société, en s’appuyant sur les faits et les analyses scientifiques – avec leurs limites. En confondant le rôle de la science et de la politique, Philippe Faucher nuit aux deux. Or, devant la complexité des enjeux climatiques, nous n’avons plus de temps pour ces jeux. Il faut plutôt établir un véritable dialogue qui permettra à la société de décider de manière éclairée la voie qu’elle veut suivre.

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