Ancrée sur de solides bases et de plus en plus spécialisée, la recherche sur les cellules souches offre, au tournant du troisième millénaire, une explosion de découvertes. Certaines d’entre-elles pourraient bientôt contribuer à augmenter les chances de survie des patients recevant une greffe de moelle osseuse.

En 2001, Freda Miller, neurobiologiste à l’hôpital pour enfants SickKids et professeure à l’Université de Toronto, découvre des cellules souches dans les tissus de la peau d’une souris. Ces cellules souches qu’on dit « adultes » ont généralement une capacité de différenciation limitée et ne peuvent aboutir qu’à des lignées restreintes de cellules, dans ce cas-ci l’ensemble des cellules qui composent les différentes couches de la peau. Cependant, la Dre Miller a démontré in vitro que ces cellules souches pouvaient être amenées à se différencier pour devenir des cellules nerveuses, dont les neurones, des cellules musculaires et des cellules adipeuses. La peau, qui est un des plus grands organes du corps humain, pourrait donc constituer un important bassin de cellules souches pour des greffes autologues, c’est-à-dire des greffes où le donneur est aussi le receveur. La découverte de leur polyvalence en ferait une alternative aux cellules souches embryonnaires, qui posent des problèmes éthiques ainsi que des risques de rejet.

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Neuf ans après la découverte de Freda Miller, Mick Bhatia, biologiste moléculaire et directeur du Stem Cell and Cancer Research Institute de l’Université McMaster, transforme de la peau en sang. Plus précisément, il amène des cellules souches de la peau humaine à se différencier en cellules sanguines. Pendant deux ans, la technique a été reprise plusieurs fois avec de la peau de personnes jeunes et âgées; chaque fois, elle a été une réussite et elle continue d’être améliorée. Publiée en novembre 2010 dans Nature, la découverte du Dr Bhatia pourrait mener à des essais cliniques dès l’an prochain.

Cette technique serait particulièrement utile pour le traitement des leucémies qui nécessitent des greffes de moelle osseuse. Actuellement les patients peuvent avoir recours à une greffe de moelle osseuse provenant d’un donneur extérieur ou à une greffe autologue comportant le risque de se faire réinjecter des cellules malades. En créant des cellules sanguines à partir des cellules de la peau du patient, on obtient des cellules saines et on évite l’attente, souvent longue, d’un donneur compatible. Cette technique pourrait également permettre d’accélérer le traitement des patients qui subissent des chimiothérapies intensives qui doivent être interrompues pour permettre au système sanguin de récupérer.

Parallèlement aux travaux du Dr Bhatia, Guy Sauvageau, hématologue, chef de la direction et directeur scientifique de l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie de l’Université de Montréal, fait lui aussi une découverte qui pourrait avoir un impact positif sur les greffes de moelle osseuse : il réalise la multiplication des cellules souches sanguines. En effet, il est parvenu à identifier dix protéines qui permettent de stimuler la production de cellules souches sanguines en laboratoire. Cette découverte, qui a fait l’objet d’une publication dans Cell en avril 2009, pourrait permettre d’augmenter le nombre de greffes de cellules souches sanguines. On trouve ces cellules dans la moelle osseuse mais elles sont également présentes dans le sang de cordon ombilical. Or, selon les données d’Héma-Québec, on trouve plus facilement un sang de cordon compatible à un patient qu’un donneur de moelle osseuse compatible. Malheureusement, la quantité de cellules souches prélevée lors des dons de sang de cordon est trop petite pour être donnée aux adultes, elle est essentiellement offerte aux enfants de moins de 50kg. S’il devenait possible de multiplier le nombre de cellules souches prélevées, on pourrait inclure les adultes parmi les receveurs.

La découverte du Dr Sauvageau pourrait aussi contribuer à limiter les risques de rejet dans les cas de greffes d’organes. En effet, s’il s’avérait possible d’injecter des cellules souches sanguines provenant du donneur en même temps que la greffe, cela contribuerait à diminuer la réaction du système immunitaire : à l’arrivée d’un élément extérieur les cellules du système immunitaire, qui sont fabriquées par la moelle osseuse, ne reconnaissent pas l’organe qui a été greffé et le traitent comme un envahisseur; injecter des cellules souches sanguines du donneur chez le receveur, ce serait un peu comme faire les présentations entre deux inconnus…

Comme on peut le constater, même si la recherche sur les cellules souches sanguines est la plus ancienne et la plus documentée, elle progresse toujours - même de plus en plus rapidement - et n’a pas fini de nous révéler toutes ses possibilités.

Julie D.

Ce billet a été écrit dans le cadre d'un travail d'équipe pour le cours RED2301 - Problèmes de vulgarisation, donné par Pascal Lapointe, à l'Université de Montréal à la session d'hiver 2011.

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