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Les perturbateurs endocriniens encore une fois sur le banc des accusés. Une étude démontre que la qualité du sperme se dégrade chez les Français et ce, de manière inégale selon les régions de France. Cette publication donne suite à une première recherche publiée en décembre 2012 qui analysait la qualité du sperme à échelle nationale.

Cette recherche qui étudiait 26 000 hommes français entre 1989 et 2005, montre une baisse importante de la qualité du sperme. Ce qui est nouveau concernant la deuxième publication, c’est que ces diminutions sont différentes selon la région géographique (voir carte), ce qui confirmerait l’effet de facteurs environnementaux.

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Le sperme est un liquide constitué entre autres par les spermatozoïdes, cellule qui transmet le matériel génétique lors de la reproduction. La qualité du sperme dépend de trois facteurs: la concentration de spermatozoïdes (en millions par millilitre de sperme), la morphologie des spermatozoïdes (leur forme), et leur motilité (c’est-à-dire leur capacité à se déplacer). Ces trois paramètres sont importants dans la course qu’ils effectuent pour remonter jusqu’à l’ovule, parcourant ainsi une douzaine de centimètres en moyenne.

Cette étude a premièrement montré que la concentration de spermatozoïdes a diminué d’un tiers sur la période de 16 ans. En 1989, un homme de 35 ans avait en moyenne 73,6 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme, concentration qui a chuté à 49,9 millions/ml en 2005. De plus, un autre fait significatif est que la proportion de spermatozoïdes présentant une « morphologie normale » est passée de 60,9% à 39,2%.

Il est important de souligner que l’on parle d’infertilité lorsque l’on passe à une concentration inférieure à 15 millions de spermatozoïdes par mL. Ces modifications ne veulent donc pas nécessairement dire qu’il y a une baisse de la fertilité masculine, mais que les délais avant que la partenaire tombe enceinte pourraient augmenter.

Les causes de cette altération du sperme —phénomène mondial ?— ne sont pas établies, et font controverse au sein de la communauté scientifique. Pour les auteurs, il semblerait que cette diminution inégale selon la géographie vienne renforcer l’hypothèse déjà émise dans la première publication: ce serait dû aux perturbateurs endocriniens (PE). Les régions les plus touchées d’après cette étude (Midi Pyrénées et Aquitaine), sont des régions agricoles particulièrement exposées aux pesticides, dont plusieurs font partie de la liste des PE.

Les perturbateurs endocriniens sont souvent accusés de tous les maux. En revanche, la définition même n’est pas encore établie au sein de l’Union européenne, pourtant on avance dans la recherche concernant ces molécules. L'Organisation mondiale de la santé définit les PE comme des «substances chimiques d'origine naturelle ou artificielle étrangères à l'organisme, qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système hormonal.»

Pour faire simple, ces substances ont un effet sur notre système hormonal. Le système endocrinien est l’ensemble des organes qui sécrètent les hormones de notre corps. Les hormones régulent une grande partie de nos fonctions (croissance, digestion, sommeil…), de nos humeurs, de nos cycles (cycle jour-nuit, cycle menstruel,..).

Les perturbateurs endocriniens peuvent modifier une ou plusieurs de ces fonctions du corps. Ils se comportent comme des hormones et perturbent le fonctionnement des hormones naturellement produites par l'être vivant. Ils peuvent par exemple bloquer la synthèse d'une hormone, empêcher sa fixation au récepteur et donc altérer son action dans le corps humain voire créer un effet contraire. Ils présentent un risque majeur pour les générations futures d’après l'Assemblée nationale de l’Union européenne. La particularité des PE est due aux conséquences «non pas par un effet toxique direct mais par une modification du système de régulation hormonale susceptible de provoquer un effet toxique.»

La vie est basée sur le principe d’homéostasie, c’est-à-dire le fait de conserver un certain équilibre malgré les facteurs et contraintes extérieures. C’est le cas d’une cellule qui doit re-balancer la concentration d’eau pour assurer sa survie par exemple. C’est aussi le cas des organes, de la circulation sanguine… Le corps humain est donc le produit de toutes ces parties en dynamique constante. Si une substance vient modifier le système hormonal, vous comprendrez donc que c’est l’ensemble du corps qui peut être affecté.

Les PE représentent une catégorie établie en fonction des effets sur les êtres vivants (effets eux-mêmes différents selon les espèces); elle englobe une grande variété de substances ayant des conséquences diverses. Nos avancées dans la recherche nous font découvrir de nouveaux perturbateurs régulièrement. Pour ne citer que quelques familles: «le bisphénol (tickets de caisse, biberons, contenants alimentaires), les phtalates, (revêtement du sol, matériel médical), ou encore les parabènes (produits cosmétiques) ou certains pesticides agricoles (substances organophosphorées ou pyréthrinoïdes: acéphate, cyperméthrine...).»

Il est donc difficile de généraliser et de réglementer leur commercialisation et utilisation. Le dossier est actuellement examiné par l’Assemblé nationale de l’UE pour donner une définition ainsi que pour développer une nouvelle stratégie européenne.

Le bisphénol A (BPA) est un des PE les plus connus. Il est un perturbateur endocrinien dont on connaît plusieurs effets et dont on soupçonne beaucoup d’autres. Il est très largement présent dans notre environnement mais sera interdit dans les contenants alimentaires en France d’ici 2015. La France est vue comme un moteur pour l’Europe.

En revanche, il semblerait de l’autre côté de l'océan Atlantique, «la plupart des Canadiens sont exposés à des niveaux très faibles de BPA qui ne présentent pas de risque pour la santé de l'ensemble de la population», comme l’assure le gouvernement. Ces recherches relèvent de l’écotoxicologie, domaine qui semble fortement touché par les coupes budgétaires.

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