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Pour débuter cette année 2019 (que je vous souhaite excellente), un menu varié : d’abord la pièce de résistance avec une découverte récente démontrant une fois de plus que le cerveau n’a jamais fini de nous étonner, ensuite un outil de référence en neuroanatomie et finalement un rappel à propos de « l’École des profs ».

La science ne prend donc pas de vacances. C’est ainsi qu’il y a quelques jours, le 4 janvier 2019, le site d’alertes neuroscientifiques Neuroscience News attirait mon attention avec ce titre accrocheur : « Surprise Discovery Reveals Second Visual System in Cerebral Cortex: Mouse Study ». Un second système visuel dans le cortex de souris, rien que ça ! Mais où était-il durant toutes ces décennies de recherche sur la vision, sans doute le système sensoriel le plus étudié ? C'est le genre de cas où il faut entrer un peu dans les détails pour comprendre de quoi il s’agit exactement…

Rappelons sommairement le parcours des voies visuelles chez les mammifères, il y a justement un schéma sur mon site web qui montre tout ce qu’il faut pour comprendre. Les axones des cellules ganglionnaires de la rétine, qui forment les deux nerfs optiques, font leurs connexions sur les neurones du corps genouillé latéral (CGL) du thalamus. De là, ces neurones du CGL envoient à leur tour leur axone jusqu’aux neurones qui se trouvent dans la partie la plus occipitale de notre cerveau, aussi appelée aire corticale visuelle primaire (ou V1).

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Puis les neurones de V1 font des connexions à l’aire corticale visuelle voisine V2, qui elle projette sur V3, qui projette sur V4, puis MT, etc. On a donc plusieurs « cartes » visuelles, et à mesure que l’on s’élève dans cette hiérarchie, le stimulus visuel qui fait réagir un neurone devient de plus en plus complexe (on parle de « champs récepteurs » sous forme de lignes pour les neurones de V1, d’angles pour des cartes suivantes, et ainsi de suite). Mais bien sûr tout n’est pas si simple puisque V4 projette en retour sur V3, qui projette aussi sur V2, qui projette sur V1… qui projette même sur le CGL. Rien de surprenant à cela, le cerveau étant partout un système extrêmement « bouclé ». Cela fait aussi dire à plusieurs que l’appellation de « relai visuel » pour parler du CGL est abusive puisqu’au total il ne reçoit qu’environ 20 % de ses inputs de la rétine, le reste étant de la rétroaction de diverses régions cérébrale, dont V1 elle-même. Bref, je m’égare un peu mais pas tant que çam, car l’idée est : bien que l’on connaisse beaucoup de choses sur les voies visuelles, celles-ci sont extrêmement complexes et le fruit, comme toute structure cérébrale, d’un long bricolage évolutif.

Ce qui m’amène à parler du collicule supérieur (CS), une structure cérébrale assez ancienne phylogénétiquement parlant, qui reçoit elle aussi des axones de la rétine. Le CS permet de diriger le regard vers des objets en produisant des saccades oculaires. On sait aussi que les neurones du CS envoient des axones au cortex visuel via un noyau thalamique appelé pulvinar, mais cette contribution était beaucoup moins claire (on la pense peut-être impliquée dans l'étrange phénomène de la vision aveugle). Des lésions au CS affectent par exemple beaucoup moins les réponses des neurones des aires corticales visuelles que des lésions à V1. Et l’on ne connaissait pas de régions visuelles corticales qui semblaient dépendre entièrement du CS.

Jusqu’à ces travaux de Riccardo Beltramo et Massimo Scanziani publiés dans Science le 3 janvier dernier et intitulé : “A collicular visual cortex : Neocortical space for an ancient midbrain visual structure”. Beltramo et Scanziani ont en effet pu démontrer que les neurones d’une région du cortex visuel appelée cortex postrhinal reçoivent des connexions directement de la voie CS-pulvinar puisque leur réponse aux stimuli visuels est abolie si l’on fait taire les neurones du CS comme ce fut le cas dans cette étude. Cela semble facile de « faire taire » des milliers de neurones de façon réversible sans affecter leurs voisins, mais sans la technique extrêmement élaborée de l’optogénétique employée ici (on inactive des neurones avec de la lumière!), on n’y serait jamais parvenu. En fait, aucun neurophysiologiste n’aurait pu imaginer cela possible même dans ses rêves les plus fous, il y a à peine une vingtaine d’années ! C’est dire qu’il n’est peut-être pas si surprenant que ce « second système visuel » — qui est donc une voie colliculo-corticale indépendante de la voie géniculo-corticale classique —, nous avait échappé jusqu’ici. Et cette nouvelle voie semble donner aux neurones de l’aire postrhinal une bien meilleure spécificité que les autres aires du système visuel classique, pour suivre des objets en mouvement, une capacité qui n’est pas étrangère à ses afférences en provenance du CS.

Cet accès rapide du cortex postrhinal aux mouvements du monde extérieur pose aussi la question de son interaction avec le reste du système visuel classique. Selon les auteurs de l’étude, les deux pourraient collaborer, la voie classique spécifant possiblement la nature de l’objet en mouvement détecté dans le cortex postrhinal.

 

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L’étude précédente montre à quel point les voies cérébrales, c’est-à-dire les trajets que font les axones de nos 86 milliards de neurones, sont complexes et variés. Pour s’y retrouver un peu, je suis tombé sur un site éducatif original (mais malheureusement payant) qui s’appelle Draw it to know it. L’ensemble de l’anatomie des voies du système nerveux central et périphérique est couvert par 23 chapitres contenant chacun entre 2 et 16 tutoriels. Chacun de ceux-ci comprend entre autres un vidéo où l’on voit les faisceaux et les structures cérébrales être dessinées à mesure qu’on nous les présente. Et comme le titre du site l’indique, on peut ensuite imprimer un pdf où seulement quelques grands repères sont indiqués et où c’est à vous de redessiner les voies pour mieux vous les approprier et donc mieux les retenir.

Un exemple parmi tant d'autres du site, celui des voies visuelles classiques, pour rester dans le thème de la semaine...

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C’est d’ailleurs ce genre d’approche, que l’on sait aujourd’hui d’une grande efficacité dans l’apprentissage, qui est l’une parmi bien d’autres que je présente dans mes formations appelées « l’École des profs ». Destinées aux profs (en particulier de cégep) à temps plein qui n’ont pas toujours le temps de se tenir à jour dans le vaste domaine des sciences cognitives, ces formation d’une demi-journée, d’une journée ou même de deux jours s’inspirent de l’actualité neuroscientifique que je couvre de manière hebdomadaire dans ce blogue depuis plus de huit ans maintenant. Que vous soyez donc profs de bio, de psycho, mais aussi de philo, d’anthropo, ou de soins infirmiers, ces formations que je donne plusieurs fois par session depuis 2014 pourraient peut-être vous intéresser. Tous les détails sur la page de l’École des profs ou en m’écrivant simplement avec le Contact du Cerveau à tous les niveaux. Il me reste encore des disponibilités dans les mois qui viennent, plus particulièrement en avril, mai et juin. Au plaisir de vous croiser en personne !

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