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Après avoir reculé d’une heure hier (mais pas de quatre ans, les Montréalais.es soulagé.es de l’issue heureuse du « remake » électoral d’hier me comprendront…!) et d’avoir ainsi gagné une heure de sommeil, j’en profite pour simplement mettre à jour aujourd’hui deux phénomènes reliés à ce comportement nocturne apparemment banal mais réellement fascinant. Premièrement notre façon de dormir, en un bloc d’environ huit heures, qui était vraisemblablement scindé en deux blocs de quatre heures avant la révolution industrielle. Et deuxièmement, un taux d’évacuation des déchets métaboliques plus élevé durant le sommeil que durant l’éveil, notamment pour les protéines bêta-amyloïdes qui sont associées à l’Alzheimer (bien que les détériorations cognitives associées « aux Alzheimers » ne se superposent pas toujours bien avec la présence ou l’absence de ce marqueur biologique).

Pour ce qui est du pattern général de nos nuits, la grande transformation du sommeil qui semble s’être opérée en gros durant le XVIIIe et le XIXe siècle coïncide, selon l’historien Roger Ekirch qui lui consacre cet ouvrage récent, avec la généralisation de l’éclairage artificiel des villes et l’imposition d’une nouvelle discipline liée au travail salarié.

Comme je le mentionnais dans mon billet de février 2012 à propos des données qui mettent à mal l’idée qu’on a toujours dormi 8 heures en ligne, il y a :

« D’abord d’une expérience effectuée au début des années 1990 où des sujets étaient plongés dans l’obscurité 14 heures par jour pendant un mois. À la quatrième semaine, on a vu apparaître le pattern biphasique décrit ci-haut.

Des historiens ont par la suite, au début des années 2000, répertorié tout un corpus de références provenant de journaux intimes, de rapports légaux, de textes littéraires ou médicaux qui toutes indiquent non seulement l’existence de ce sommeil en deux blocs, mais surtout qu’il était la plupart du temps présenté comme un fait avéré et socialement reconnu. »

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Dans sa recension de l’ouvrage d’Ekirch, Ernest London cite l’auteur et spécule un peu sur les liens possibles entre ce phénomène ancien et certains troubles du sommeil d’aujourd’hui :

« Non seulement la diffusion très large de la lumière artificielle a créé un environnement hostile au sommeil segmenté, mais le sommeil lui-même est de plus en plus menacé par l’affairement caractéristique de notre mode de vie. » Les « troubles du sommeil » les plus communs pourraient tout simplement provenir de l’irruption de « la modalité naturel du sommeil humain », en contradiction avec la conception contemporaine généralement admise d’un sommeil consolidé et compacté, « reliquat d’une structure du sommeil humain plus ancienne, autrefois dominante ».

* * *

En ce qui concerne maintenant les bienfaits du sommeil pour l’évacuation des toxines, il semble de plus en plus certain, depuis la publication d’une étude en 2013 dont j’avais aussi parlé dans ce blogue, que l’évacuation des toxines produites par l’activité soutenue de nos neurones est beaucoup plus efficace durant le sommeil. C’est en tout cas ce que semble démontrer de manière plus spécifique l’étude de l’équipe de Jeannie Chin publiée la semaine dernière.

L’étude portait sur des souris transgéniques qu’on considère un modèle de l’Alzheimer parce qu’on a modifié leur génome pour qu’elles produisent le précurseur de la protéine bêta-amyloïde humaine. Chez ces souris, on observe un sommeil plus fragmenté avec moins de phases de sommeil profond. Or on sait que le noyau réticulaire du thalamus est essentiel dans la régulation de ce sommeil profond. En activant sélectivement les neurones de ce noyau du thalamus, Chin et ses collègues ont pu augmenter la durée du sommeil profond chez les souris ce qui s’accompagnait d’une réduction des accumulations de protéines bêta-amyloïde en plaques dans l’hippocampe et le cortex.

D’où leur conclusion que l’activation de ces neurones thalamiques pourrait ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques pour l’Alzheimer. Il y a loin de la coupe aux lèvres pour cet objectif, comme on dit, mais cette étude vient néanmoins s’ajouter à d’autres (je pense par exemple à la mise en évidence récente d’un système glymphatique, véritable égouts du cerveau) pour montrer à quel point faire attention à son sommeil, peu importe la durée ou le pattern qu’il peut prendre, semble avoir des effets protecteurs importants pour le cerveau.

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