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Interdiction du plastique à usage unique d’ici 2021, opérations de nettoyage des cours d’eau, valorisation des matières recyclées : la lutte contre la pollution par le plastique s’est intensifiée au cours des dernières années. Mais est-elle suffisante ?

- Jeanne Picher-Labrie

Une étude publiée la semaine dernière dans la revue Science conclut que même si tous les pays atteignaient leurs objectifs les plus ambitieux, la quantité de plastique déversée dans les océans continuera d’augmenter d’ici 2030 ou, dans le plus optimiste des scénarios, demeurera équivalente au niveau de 2016.

Les chercheurs prévoient que si les pays tiennent leurs promesses, ils rejetteront entre 20 et 53 millions de tonnes (Mt) de matières plastiques dans les écosystèmes aquatiques à l’échelle de la planète au cours de l’année 2030, comparativement à 19 à 23 Mt en 2016. Ainsi, l’étude démontre que les mesures envisagées par de nombreux pays et organisations non gouvernementales (ONG) ne suffiront pas.

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Si on continue de produire du plastique au rythme actuel, le scénario surnommé business-as-usual par les chercheurs, ce sont plutôt 36 à 90 Mt de plastique par année qui s’ajouteront aux océans déjà pollués. La croissance de la population mondiale et l’augmentation continuelle de la production de plastique expliquent cette hausse d’ici 2030.

Pour chacun des 173 pays dont les données sont accessibles, les chercheurs ont quantifié la pollution de l’eau par le plastique en fonction de la proportion des matières plastiques qui ne sont pas adéquatement entreposées ou recyclées. Ils ont aussi considéré que la proximité entre les sources d’émissions et les écosystèmes aquatiques augmente la probabilité que les déchets se retrouvent à l’eau. En 2016, 11% de tous les déchets plastiques produits dans l’année auraient atteint lacs, rivières ou océans.

Ensuite, ils ont estimé la part de cette pollution qui pourrait être évitée si tous les pays respectaient leurs engagements en diminuant leur production de plastique, en améliorant la gestion de leurs déchets et en intensifiant la collecte des débris de plastique dans les océans. Pour les pays qui n’ont pas fait de telles promesses, les chercheurs ont considéré les cibles prises par d’autres pays au revenu équivalent.

L’accumulation de plastique dans les écosystèmes aquatiques est un problème mondial : sous l’effet des courants marins, les déchets peuvent être déplacés sur de grandes distances. Les débris de plastiques sont une menace pour plusieurs espèces animales, qui peuvent les ingérer ou s’y empêtrer. De plus, l’impact des microplastiques sur la santé des animaux – et des humains – est inquiétant, bien qu’il ne soit pas encore tout à fait compris.

Il n’est pas trop tard pour inverser la tendance, mais le défi sera immense

Bien que les conclusions soulevées soient de mauvais augure, le groupe d’experts propose aussi un scénario dans lequel on réussirait à ralentir l’accumulation de plastique dans les cours d’eau. Pour y arriver, il faudrait progressivement diminuer nos émissions pour qu’elles ne dépassent pas 8 Mt par année en 2030, c’est-à-dire le même niveau qu’en 2010.

Cela implique que les pays à revenus élevés diminuent de 40% leur utilisation de plastique neuf et qu’ils traitent adéquatement 99% de leurs déchets plastique, un pourcentage qui n’était que de 63% en 2016. Finalement, on doit organiser des opérations de nettoyage visant à récupérer l’équivalent de 40% de nos émissions annuelles de matières plastiques dans les écosystèmes aquatiques.

« Le nettoyage nécessiterait à lui seul au moins un milliard de personnes participant à l’International Coastal Cleanup de l’ONG Ocean Conservancy. Ce serait une tâche herculéenne, correspondant à 660 fois l’effort du nettoyage de 2019. », explique à U of T News Stéphanie Borrelle, co-auteure de l’étude.

Lutter contre le plastique malgré la pandémie

Avec la pandémie, l’utilisation d’emballages et autres produits à usage unique est à la hausse. Un sondage a d’ailleurs révélé que la proportion de Canadiens qui appuient l’interdiction du plastique à usage unique a diminué par rapport à l’année dernière.

Une partie de ces produits, notamment les masques médicaux, sont réellement utiles pour ralentir la propagation de la covid-19 et protéger les personnes les plus vulnérables. Mais si pour l’instant on ne peut pas diminuer autant qu’on le souhaiterait notre production de déchets plastiques, on peut agir sur d’autres composantes de l’équation. La bonne gestion des déchets et les opérations de nettoyage des berges apparaissent donc essentielles pour ne pas retarder la pressante lutte au plastique.

Crédit photo : Bo Eide, Flickr, https://www.flickr.com/photos/snemann2/7825968422/. 

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