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La championne olympique de hockey féminin Hayley Wickenheiser va confier son cerveau à la science. Après avoir raccroché ses patins — elle a représenté le Canada cinq fois aux Jeux olympiques d’hiver et y a remporté quatre médailles d’or —, elle se bat aujourd’hui pour faire avancer la recherche sur les commotions cérébrales.

Les sports de compétition, et particulièrement les sports d’hiver tels que le hockey, le ski alpin, le patinage ou encore la luge, augmentent le risque de blessures à la tête. Hayley Wickenheiser a subi une commotion après une violente mise en échec et la championne canadienne de snowboard cross, Meryeta O'Dine, n’a pu se rendre à Pyeongchang pour cette raison.

« Les sports d’hiver sont à haut risque pour le cerveau, particulièrement les sports rapides et ceux avec de nombreux contacts physiques, comme le hockey sur glace », relève le directeur du Laboratoire des neurosciences du développement, de l’exercice et de la vision (neuroDEVlab) de l’Université de Montréal, Dave Ellemberg.

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Ce serait semblable à partir pour la guerre, selon le Pr Alain Ptito, de l’Institut neurologique de Montréal : « c’est plus intense du côté des coups que l’on peut recevoir. Un peu comme les soldats qui sont plus exposés aux blessures liées aux explosions. Les vaisseaux sanguins tremblent, ce qui affecte le flux sanguin cérébral et entraîne également des conséquences sur les capacités cognitives ou la mémoire ».

Lors d’une chute ou d’un coup, le cerveau va être projeté contre la boîte crânienne, ce qui comprime le tissu cérébral puis l’étire, occasionnant aussi des déchirements. « Cela provoque également des changements dans les échanges chimiques et métaboliques avec une diminution d’oxygène, de glucose — le carburant des neurones — et ça provoquera des étourdissements, de la fatigue et divers autres symptômes », explique le Pr Ellemberg.

Une étude de son laboratoire avait permis de mettre en évidence que plus les symptômes engendrés par le choc à la tête étaient intenses, plus les changements neurométaboliques étaient visibles dans les analyses des chercheurs. Ces changements ne modifiaient toutefois pas toujours les résultats des  examens de mémoire et cognitifs — ce qui rend le dépistage plus difficile.

L’accumulation des chocs

La première commotion cérébrale, si elle est bien prise en charge, aura généralement peu de conséquences. C’est l’accumulation des chocs qui entraine des problèmes plus importants. « De petits coups répétés peuvent aussi occasionner des dommages au cerveau », assure le chercheur du NeuroDEVlab.

Pourtant, difficile de cerner l’impact à long terme de ces nombreux coups. « Certains athlètes poursuivent sans problème des carrières académiques comme le hockeyeur Ken Dryden », relève le Pr Ptito.

On croit néanmoins que ces commotions constituent souvent la première étape vers des maladies neuro-dégénératives. « La maladie s’installe, le patient se plaint de troubles de mémoires, de migraines, ce qui peut le pousser aussi vers l’abus de substances et la dépression », rapporte le chercheur.

Une étude du NeuroDEVlab avait par ailleurs mis en évidence que les athlètes avec un historique de commotions cérébrales connaissent une altération de leur santé psycho-affective : plus d’anxiété et de dépression, mais également une hausse de l’agressivité et des colères.

Enfin, à la suite de nombreux suicides au sein de la Ligue nationale de football américain (NFL), l’équipe du Pr Ptito a voulu pister les traces d’encéphalopathie traumatique chronique — une affection cérébrale provoquée par la pratique de certains sports aux commotions cérébrales nombreuses.

En tout, selon le chercheur, le nombre d’athlètes atteints de commotions cérébrales avoisinerait les 20-25 %. Pour certains sports, comme le hockey ou le football américain, une équipe de 20 joueurs connaît près de 6 à 8 commotions par année.

Une blessure bien discrète

Au début, les conséquences des commotions sur le cerveau s’avèrent subtiles et difficiles à observer. Lorsque le Pr Ptito fait passer des examens de résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) à de jeunes athlètes, il observe des taches liées à un apport sanguin accru dans la région du cortex préfrontal. « Il y a souvent une plus grande activation liée à la commotion, dans les 72 heures qui suivent le choc. Après, le plus souvent, cela disparaît, tout comme les symptômes », note le Pr Ptito.

C’est pour cette raison que certaines ligues sportives ont des observateurs (spotters) embauchés pour repérer et retirer du jeu les athlètes qui présentent des symptômes de commotions (nausées, maux de tête, vertige, etc.).

Toutefois, la grande majorité des sportifs ne le rapporteraient pas, selon le Pr Ellemberg : « le problème est que les athlètes nient souvent en souffrir ».

Les divers symptômes disparaissent au cours des trois premiers mois dans 80 % des cas, mais chez 1 athlète sur 5, les troubles persistent. « Nous nous intéressons plus particulièrement à ceux-là. Il pourrait y avoir chez eux une fragilité qui pourrait être détectée génétiquement », avance le Pr Ptito.

Le traitement par la langue ?

Pour améliorer le traitement de ces blessures, le Pr Alain Ptito cherche également à stimuler la neuro-plasticité en passant… par la langue !

Inspiré par son frère Maurice Ptito, professeur à l’École d’optométrie et inventeur d’un dispositif destiné aux aveugles pour « voir » avec la langue, le Pr Alain Ptito suit la même voie d’accès au cerveau. « La langue possède 5 à 7 nerfs qui acheminent l’information au tronc cérébral. Les stimuler aiderait à accélérer la rémission des commotions et à améliorer leur équilibre », affirme-t-il. Il teste actuellement un équipement sur des athlètes blessés et des premiers résultats positifs le confortent dans la poursuite de cette voie.

Pistes de solution

Les chercheurs pensent qu’il importe de mener des études à long terme pour mieux observer les effets cumulatifs des commotions. Suite à des blessures et des chutes, le cerveau des sportifs peut subir d’autres traumatismes, notamment des hémorragies.

Néanmoins, ils mettent en garde contre la tentation de tomber dans l’autre extrême, et d’éviter de faire du sport par crainte des risques. Une pratique sportive régulière contribue en effet au bon développement cognitif, à l’amélioration de la concentration et rendrait même le cerveau plus efficace. Meilleure irrigation sanguine, plus grande densité de certaines zones, particulièrement celle de la mémoire. « Le sport, pratiqué trois fois par semaine chez les adultes et les enfants, est très bénéfique au cerveau », assure le Pr Ellemberg.

À condition de prendre soin de sa tête : mettre un casque pour limiter les impacts, et consulter à la suite de chocs et de symptômes inquiétants. Même de petits impacts répétés sont susceptibles de le blesser et de nuire à plus long terme à la santé cérébrale du sportif.

 

Texte modifié le 21 février: Ken Dryden

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