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Les consommateurs sont nombreux à croire que le bien-être des animaux est plus élevé sur les fermes bio. Le Détecteur de rumeurs a voulu savoir si c’était bien le cas ou s’il s’agissait d’un argument marketing.


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Dès 2013, des chercheurs de la Nouvelle-Zélande s’étaient penchés sur les enjeux touchant la santé et le bien-être des animaux dans les élevages dits biologiques. Selon eux, trois aspects doivent être considérés:

  • l’animal doit pouvoir vivre une vie dite « naturelle »
  • il ne devrait pas subir des émotions négatives ou des sensations telles que la peur ou la douleur de façon prolongée
  • il doit bénéficier d’une santé et d’une physiologie satisfaisantes.

Un aspect important de la certification « bio »

Mais comment mesurer cela? Au Canada, ce sont les Normes canadiennes sur la culture biologique qui définissent les critères auxquels les fermiers bio doivent se conformer. Selon ces règles, le but premier de la production biologique est de développer une agriculture ou une production animale durable et respectueuse de l’environnement.

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Les normes canadiennes sont elles-mêmes basées en grande partie sur les standards de la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM). Les principes de cet organisme valorisent des écosystèmes durables, des aliments sans danger pour la santé humaine, une nutrition de qualité de même que le bien-être animal et la justice sociale. Les règles de l’IFOAM stipulent notamment que les animaux doivent être traités de façon « responsable ».

Selon la British Columbia Society for the Prevention of Cruelty to Animals (BCSPCA), même si le but premier de l’élevage bio est d’être durable et bon pour l’environnement, cette approche a donc des bénéfices pour le bien-être animal. 

Un mode de vie plus naturel

En 2020, des chercheurs suédois ont publié une revue des connaissances concernant la santé et le bien-être des animaux dans les élevages biologiques. Ils concluaient alors que les normes de pratique en place offrent un meilleur potentiel de bien-être puisqu’elles facilitent l’adoption, par les animaux, de comportements spécifiques à leur espèce.

Par exemple, l’IFOAM stipule que les conditions de vie des bêtes doivent leur permettre d’être confortables et en sécurité. Cela signifie pouvoir se tenir debout, se coucher, bouger librement, faire sa toilette, dormir, préparer un nid et s’étirer. De l’air frais, de l’eau, de la nourriture et de la lumière naturelle doivent également être accessibles. 

De plus, les animaux doivent pouvoir sortir à l’extérieur et bénéficier d’espaces d’exercice et d’abris pour se protéger du soleil, de la pluie, de la boue et du vent. Dans un texte de vulgarisation publié dans The Conversation en 2021, les chercheurs Eugénie Duval et Benjamin Lecorps citaient d’ailleurs l’accès à l’extérieur comme une des grandes avancées que l’on doit à l’élevage bio.

Moins de souffrances?

Selon Duval et Lecorps, les normes de l’élevage biologique visent également à diminuer la souffrance animale. L’IFOAM spécifie en effet que les animaux ne doivent pas subir « d’altérations physiques ». 

Certaines mutilations sont toutefois permises si la souffrance de l’animal est minimisée. Par exemple, selon les Normes canadiennes sur la culture biologique, les procédures suivantes sont autorisées en dernier recours : l’épointage du bec des volailles, la taille des canines des porcelets, l’ablation de la queue des porcs et des bovins et l’écornage des veaux.

Dans leur article de 2013, les chercheurs de la Nouvelle-Zélande expliquaient d’ailleurs que ces interventions sont souvent réalisées pour réduire les conséquences de comportements anormaux comme le picage des plumes ou les morsures à la queue qu’on observe parfois dans les fermes. En évitant complètement ces procédures, les animaux risquent de souffrir davantage à long terme si les éleveurs ne trouvent pas d’autres stratégies.

Des inquiétudes concernant la santé

Toujours selon les normes de l’IFOAM, les éleveurs doivent tout d’abord adopter une approche préventive dans la gestion des maladies. Si cela n’est pas suffisant, ils devraient privilégier ce que l’organisme appelle les « traitements alternatifs », comme l’homéopathie, la médecine ayurvédique et l’acupuncture. Les chercheurs de la Nouvelle-Zélande font remarquer que le problème avec cette stratégie est que l’efficacité de ces traitements n’est pas démontrée et que l’animal peut souffrir inutilement. « Les fermiers peuvent retarder des traitements conventionnels dont on sait qu’ils fonctionnent, prolongeant ainsi sans justification la souffrance des animaux malades. » Avec pour résultat que les troubles de santé sont le principal enjeu dans la production animale bio, estiment-ils.

Les Normes canadiennes sur la culture biologique recommandent également aux fermiers de tenter d’éliminer progressivement le recours aux médicaments conventionnels, y compris les antibiotiques. D’ailleurs, l’IFOAM rappelle qu’un animal perd son statut bio, du moins temporairement, si des médicaments ou des antibiotiques sont utilisés pour le soigner. 

Pour ce qui est de la vaccination, elle n’est permise que dans certains contextes. Par exemple, les Normes canadiennes permettent un vaccin seulement s’il est établi que la maladie visée est contagieuse pour les animaux d’élevage de la ferme et qu’elle ne peut pas être combattue par d’autres moyens.

Dix ans avant les chercheurs néo-zélandais, en 2003, des chercheurs suédois rapportaient eux aussi des inquiétudes: certains vétérinaires étaient critiques face à cette approche parce qu’elle ne permettait pas de bien soigner les animaux malades. 

Cependant, l’approche n’a peut-être pas eu les conséquences négatives qu’ils craignaient. Autant les scientifiques de la Nouvelle-Zélande en 2013 que ceux de la Suède en 2020 ont conclu que les enjeux de santé étaient similaires entre les deux types de fermes, biologiques et « conventionnelles ».

Cela pourrait signifier que, en dépit de l’inefficacité de l’homéopathie et autres traitements, les pratiques dans les élevages bio seraient suffisantes pour garantir un niveau de santé similaire aux fermes conventionnelles, expliquaient les chercheurs néo-zélandais. Ils soulignaient toutefois que certains problèmes de santé pourraient être sous-estimés. En effet, seules les infections traitées par un vétérinaire sont généralement rapportées aux autorités sanitaires, et pas celles traitées par le fermier lui-même.

Cela dit, les Normes canadiennes insistent sur le fait qu’il est interdit de priver un animal malade d’un traitement, dans le seul but de maintenir son statut « bio ». Cependant, craignaient les chercheurs de la Nouvelle-Zélande, il est bien possible que certains producteurs repoussent les traitements conventionnels pour des raisons économiques, et prolongent ainsi les souffrances de l’animal.

Peu de données pour trancher

En 2003, les chercheurs suédois jugeaient qu’il existait peu d’études comparant l’élevage bio et l’élevage conventionnel. Les partisans du bio de l’époque étaient très critiques envers la « science conventionnelle » et préféraient des approches « alternatives ».

La revue de la littérature scientifique effectuée en 2020 montre que la situation n’a pas beaucoup changé en 20 ans. En effet, les auteurs concluaient alors qu’il n’y avait toujours pas de données confirmant que la santé et le bien-être des animaux dans les fermes bio sont inférieurs ou clairement mieux que dans les fermes conventionnelles.

Verdict

En principe, les animaux élevés dans les fermes bio ont un potentiel de bien-être supérieur à ceux des fermes conventionnels. Cependant, il n’existe pas encore de données solides pour le démontrer. De plus, une réflexion concernant certains enjeux de santé semble nécessaire. 

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