Une mauvaise mère laisse des traces plus profondes qu'on ne pourrait le penser. Des chercheurs de l'Université McGill ont découvert que le comportement maternel durant la tendre enfance a des effets profonds jusque sur l'expression des gènes dans le cerveau des adultes.

L'étude est parue dans la revue scientifique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences, cosignée par l'étudiant gradué Ian Weaver, par Michael Meaney, un professeur du département de neurosciences et Moshe Szyf, un professeur au département de pharmacologie et thérapeutique.

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La tendresse et les stimulations de maman, ou leur absence, s'inscriraient donc génétiquement. "La première période de développement chez les mammifères est particulièrement sensible aux effets environnementaux", rappelle d'abord Ian Weaver. Les chercheurs se sont donc penchés sur le berceau d'un raton pour découvrir comment le génome s'adapte à ces fameuses conditions environnementales. Ils ont étudié les événements de sa première semaine de vie et leurs effets à long terme sur l'expression de certains gènes et par conséquent sur le comportement de ce raton pendant le reste de sa vie.

"Les ratons de mères attentionnées sont moins peureux et moins stressés. Ils ont bénéficié d'un profond effet sur les gènes exprimés dans leur cerveau", confie Ian Weaver.

Passionné par les interactions gènes/environnement et leurs expressions au niveau moléculaire, l'étudiant s'est intéressé aux travaux du Dr Szyf. Celui-ci se penche sur la régulation "épigénétique" des gènes, c'est-à-dire les différences, d'un individu à l'autre, dans l'expression d'un gène –différences résultant de l'interaction entre un groupe donné de gènes et certaines conditions environnementales.

Chez les mammifères, la principale personne qui prend soin des enfants –le plus souvent la mère– constitue le lien direct avec l'environnement. Et les soins maternels sont cruciaux pour la survie du nouveau-né. "D'une perspective de développement, la période postnatale précoce chez le rat est comparable aux premiers 3-4 mois chez l'homme", explique Ian Weaver.

Là où, chez les humains, la mère touche et caresse le bébé, chez les rats, le contact mère-bébé commence lorsque la maman glisse son petit sous elle pour le nourrir tout en le léchant et le nettoyant. Cette quantité de soins varie selon les mères rats.

Maman dans ses gènes

Les chercheurs ont identifié près de 900 gènes régulés par les soins maternels. "La majorité des gènes qui montraient des différences dans leur expression étaient ceux impliqué dans des protéines qui règlent la formation et le fonctionnement du cerveau" relève l'étudiant.

Ainsi, l'étude a révélé un changement dans l'expression de la protéine Reelin lorsque l'individu subit une mauvaise expérience dans sa jeunesse. Cette protéine joue un rôle essentiel dans le développement cérébral, tout au long de la vie.

Et les chercheurs ont démontré que les rejetons de mères très stimulantes possèdent, devenus adultes, une plus grande densité de synapses dans la zone du cerveau appelée l'hippocampe. Ils présentent aussi de meilleures performances aux tests d'apprentissage et de mémoire. Dans un autre cas, un récepteur amoindri est associé chez les humains à un risque majeur de développement de maladies physiques et psychiatriques.

Pas irréversible

Toutefois, "nos recherches montrent que l'état épigénétique d'un gène peut être renversé chez l'adulte", annonce l'étudiant. C'est ainsi que ces travaux peuvent servir à développer certaines thérapies pour réduire la prévalence de certaines maladies. Ainsi, les expériences soulèvent la possibilité qu'une diète puisse affecter l'expression des gènes. "Non seulement durant la petite enfance mais aussi à l'âge adulte" avance Ian Weaver.

Toutefois, les modifications génomiques n'expliquent pas à elles seules l'expression des gènes mais suggèrent plutôt l'existence d'un autre mécanisme... sans doute déclenché par le comportement maternel ! Les chercheurs ont à ce sujet administré un traitement aux ratons afin de voir s'il est possible de renverser le processus. Et ça l'est, les inscriptions génétiques laissées par une "mauvaise mère" peuvent être partiellement modifiées!

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